A quelques jours de l'arrivée de la force d'interposition de l'ONU, la région congolaise de l'Ituri continue d'être le théâtre de massacres interethniques dont les rebelles et le pouvoir se renvoient la responsabilité. Depuis plusieurs semaines, les violences sont graves dans la région nord-est de la République démocratique du Congo que la communauté internationale a dû s'intéresser à ce pays ravagé par cinq années de guerre civile. Ces affrontements concentrés dans l'Ituri et autour de la ville de Bunia, opposant surtout les deux ethnies qui y vivent, les Hema minoritaires et les Lendu majoritaires. Ces derniers auraient entre samedi et dimanche massacré pas moins de 352 civils appartenant au premier groupe. C'est en tout cas ce qu'ont rapporté plusieurs responsables comme Kisembo Bitamara, porte-parole du Parti pour l'unité et la sauvegarde de l'intégrité du Congo. Ce représentant Hema a confirmé lundi que cette attaque menée contre la localité de Tchomia, était le fait de Lendu. Il a aussi déclaré qu'ils étaient soutenus par des troupes régulières congolaises. « Kinshasa est derrière ces attaques (...). Les Lendu n'avaient pas de mortiers et de mitrailleuses avant de revenir de Kinshasa », a assuré Bitamara à Reuters. Le pouvoir congolais, qui a entamé un processus de transition démocratique, a aussitôt démenti toute implication. «C'est le genre de choses auxquelles il faut s'attendre. Des forces extérieures ne cessent de fabriquer des chefs de guerre dans cette zone et elles continueront à le faire», a répondu le ministre congolais de l'Information, Kikaya bin Karubi. Le gouvernement accuse en particulier les rebelles du RCD-Goma et le Rwanda de soutenir les miliciens Hema. Comme depuis le début de la guerre civile, beaucoup de pays limitrophes sont impliqués en RDC, de façon directe, par l'envoi de leur propre armée, ou en finançant des groupes rebelles. Le massacre du week-end dernier en Ituri est d'ailleurs intervenu juste après le départ des militaires ougandais de la région. Il s'est aussi déroulé au lendemain du vote, le 30 mai, par le Conseil de sécurité de l'ONU de l'envoi d'une force d'interposition, avec l'accord des pays voisins de la RDC. Jusqu'à présent, les soldats de la mission des Nations Unies dans le pays, la MONUC, n'étaient pas habilités à intervenir. A Bunia même, les quelque 700 observateurs, en majorité uruguayens, sont restés impuissants face aux récents massacres. Le déploiement d'une force multinationale sous commandement français changera-t-il la donne ? Composée d'à peine 1.400 soldats, en majorité français et sud-africains, elle a pour mission de mettre un terme aux exactions et de rétablir la sécurité. Autant dire que sa tâche ne sera pas aisée dans une région où l'on fait encore état d'actes de cannibalisme, de gens égorgés et découpés à la machette jusque dans les hôpitaux. Temporaire, cette force est censée arriver cette semaine et stationner à Bunia jusqu'au 1er septembre. Tardive, cette réaction internationale devrait permettre de limiter quelque peu les dégâts même si le règlement du conflit congolais est loin d'être acquis. D'autant plus qu'à Kinshasa, le gouvernement d'Union nationale tarde à venir, faute d'accord entre le président Joseph Kabila et les rebelles sur la composition de la future armée.