Ahmed Brija, président de la commune de Sidi Moumen, essaie de nous expliquer comment cette région périphérique qui, à elle seule, concentre l'ensemble des problèmes de la société marocaine, est devenue du jour au lendemain un lieu de pèlerinage des médias nationaux et internationaux. ALM : Sidi Moumen est au cœur des événements depuis les attentats le 16 mai. Que peut dire à ce sujet le président de la commune? Ahmed Brija : Effectivement, je peux même dire que Sidi Moumen est devenue une zone internationale compte tenu du nombre impressionnant des médias qui y débarquent, que ce soit la presse écrite ou la presse audiovisuelle. Les bidonvilles de Toma et Rhamna sont «envahis» par les interminables arrivages de journalistes, toutes nationalités confondues. Car ces bidonvilles souffrent affreusement de manques d'infrastructures, de surpeuplement et d'une incroyable propagation d'habitat insalubre ainsi qu'un taux élevé d'ignorance, d'analphabétisme et de délinquance. En somme, tous les ingrédients qui ont été derrière la naissance d'une tendance terroriste chez la jeunesse. C'est bien cela ? Pas du tout. Ce ne sont pas ces raisons qui se trouvent derrière les attentats commis par ces adolescents. En principe, le mécontentement de la jeunesse locale s'est toujours fait de manière traditionnelle. Ils s'adonnent à la drogue, à l'alcool ou encore aux bagarres entre délinquants qui se terminaient à l'aube après une nuit de brouhaha et l'intervention de la police et des autorités. Or les événements du 16 mai dernier sont d'une dimension qui dépasse de très loin les mentalités, les potentialités et le niveau de la jeunesse de Sidi Moumen. Même s'ils sont issus de ces bidonvilles, ces adolescents ont été indéniablement manipulés. D'ailleurs, même quand ils recevaient des instructions, leur «Emir» s'adressait à eux à travers un rideau «sitare». Il s'agit d'une stratégie d'envergure d'ordre international dont les objectifs sont de nature purement politique. La population de Sidi Moumen n'a rien avoir avec cet état de choses. Les parents de ces soi-disant kamikazes les ont immédiatement reniés après avoir été mis au courant. Car ces jeunes terroristes ne donnaient nullement l'impression qu'ils préparaient quelque chose. Ils n'ont même pas réclamé leurs restes à la morgue pour les inhumer Nous vivons parmi eux. Certes, nombreux d'entre eux vivent misérablement, ils contestent, ils rouspètent et se rassemblent devant les locaux de la commune, mais de là à ce qu'ils aient un penchant terroriste destructeur, jamais. Puisque leurs problèmes sont connus, pourquoi n'avoir rien fait pour y remédier ? Comme la lutte contre l'habitat insalubre par exemple ? Nous avons réalisé une étude selon laquelle il s'est avéré que nous pouvons éradiquer les bidonvilles de Sidi Moumen uniquement avec les moyens disponibles à Sidi Moumen. Mais l'obstacle majeur qui bloque toute démarche dans ce sens, c'est que l'ERAC a mis la main sur près d'une centaine d'hectares sans rien faire. L'Etat a légalement habilité à s'occuper des projets de lutte contre l'habitat insalubre. L'ERAC a commencé par des opérations d'expropriation puis plus rien. Maintenant, nous revendiquons une seule chose. Ou l'ERAC fait son travail ou alors elle laisse la commune s'en charger. Personnellement, je considère que le problème aurait pu être réglé s'il était traité au niveau de la Région du Grand Casablanca. En d'autres termes, j'évoque une décentralisation du combat contre le phénomène d'habitat insalubre. Il faudrait activer la décision régionale en ce qui concerne l'habitat insalubre, en impliquant la Communauté urbaine, la préfecture et le secteur privé. À cela, s'ajoute, et c'est encore plus pénalisant, l'intransigeance des établissements bancaires qui exigent des garanties réelles sous forme d'hypothèque avant de débloquer le moindre centime ! Comment ferait un marchand ambulant ou un mécanicien, même avec une rentabilité fixe qui dépasse les 7000 dirhams par mois ? Je me demande pourquoi les banques ne se baseraient pas sur des certificats de pratique constante de la profession, délivrés par les autorités locales. D'ailleurs le seul titre foncier de l'habitat convoité représente en soi une garantie. En conclusion, à part les écoles (il y en a assez), les problèmes de cette zone sont l'habitat insalubre, l'absence d'infrastructures, des hôpitaux et des postes de police.