Assia El Ouadie, responsable de centres de réforme et de rééducation pour jeunes mineurs, a fait de sa mission sa raison d'exister. Tout le reste, ou presque,vient après. Portrait. A voir son regard pétillant et ses gestes vifs, il est difficile de donner un âge à Assia El Ouadie. Cette femme de terrain, juriste de formation, se consacre entièrement à sa mission. Dans un cadre modestement meublé, elle passe la majorité de son temps à s'occuper des jeunes détenus dans les différents centres de réforme et de rééducation pour jeunes mineurs. Un appel et une mission reçus de son cœur de mère, avec une orientation bien définie. Née en 1949 à Safi, elle aura sa Licence de droit à la Faculté de Droit de Casablanca en 1970. Une époque très sensible et très mouvementée au Maroc. Les chocs entre courants de pensée battaient leur plein, et les femmes marocaines instruites ne constituaient qu'une infime minorité. Magistrat au parquet du tribunal de première instance de Casablanca entre 1971 et 1980, Mme El Ouadie va intégrer le barreau de Settat de 1981 à 1984, à l'issue d'un stage à l'Ecole nationale de la magistrature à Paris. Depuis elle va rejoindre le barreau de Casablanca où elle exercera jusqu'en 2000. Déjà, elle fut membre et vice-secrétaire générale de l'Observatoire marocain des prisons en 1999. Depuis l'année 2000 donc, elle a réintégré la magistrature au sein de l'administration pénitentiaire, dans le cadre de laquelle elle s'occupe de centres de réforme et de rééducation pour jeunes mineurs. Animée d'un sentiment d'altruisme inné, Assia El Ouadie passe sa vie à aider les jeunes en leur apprenant à lutter contre la tentation de la dérive. A l'âge où les travailleurs commencent à goûter à leur vie post professionnelle, Mme El Ouadie, quant à elle, ne cesse de poursuivre ce qu'elle a toujours fait : aider les autres. Engagée ? Militante ? Ces mots ont aujourd'hui on ne sait quoi de lourd ou disons de périmé, mais MAMA Assia a pu évoluer pour faire figure d'une engagée et d'une féministe moderne qui tente d'éviter les slogans et les théories pour plonger dans l'acte, que ce soit dans le travail social ou au sein des centres de détention de mineurs. Actuel membre de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, elle a contribué, l'an passé, à la création de l'Association des Amis des centres de réforme, de même qu'elle a été membre fondateur de l'Organisation marocaine des droits de l'Homme en 1988 et membre de l'Association du centre d'écoute et d'orientation pour femmes battues, dix ans auparavant. Pour tous les jeunes détenus, sans exception, elle est MAMA Assia. Cette mère de deux enfants s'en retrouve tout à coup avec des centaines car elle les traite comme s'ils l'étaient vraiment. Ce qui revient en quelque sorte à mère Theresa en Marocain. D'après des jeunes, qui viennent de bénéficier de l'Amnistie royale à l'occasion de la naissance du prince héritier Moulay El Hassan, c'est une vraie mère pour tous les jeunes des centres de réforme. «Dès leur arrivée au centre, les jeunes détenus sont reçus à tour de rôle par MAMA Assia. Une discussion personnelle qui met tout de suite le jeune en confiance qui se voit écouter attentivement alors qu'il est considéré par les autres comme un criminel qui doit purger sa peine pour la faute qu'il a commise. Si le nouveau arrivant est souffrant d'un quelconque malaise il est immédiatement pris en charge par le personnel compétent sur instruction directe de MAM Assia. ». En fait c'est une sorte de thérapie qu'elle fait subir aux jeunes détenus dont la plupart, pour Mme El Ouadie, ne sont que des adolescents inconscients des actes qu'ils avaient commis. Elle fait venir régulièrement des gens de la société civile et organise des meetings au sein même des centres de réforme pour que les jeunes détenus ne se laissent pas aller à leur nouvelle situation et pour qu'ils comprennent que c'est une erreur qu'ils ne devraient plus re-commettre, qui les a conduits en prison. Quand elle prend la parole lors des rassemblements, tout le monde se tait. A les voir en train de l'écouter religieusement, on dirait une mère couveuse de centaines de jeunes, ou une directrice d'une garderie pour les grands enfants. Aucune image, aucun signe d'un rapport entre geôlier et détenu. Les anciens parmi le personnel des centres de réforme s'accordent tous à dire que l'arrivée de Mme El Ouadie a été très positive dans cet univers jusque-là inconnu pour ceux qui se trouvent en dehors de ses murs. Elle a surtout instauré un sens de l'organisation. Grâce à ses efforts, les centres en question sont en train de devenir de vrais établissements réformateurs et ré-éducateurs. Pour certains agents travaillant au centre et qui ont une longue expérience dans les prisons marocaines, la différence avec le passé est énorme. De grands pas en avant ont été enregistrés dans l'univers carcéral, notamment côté hygiène et encadrement. En conclusion, Assia El Ouadie fait honneur à la femme marocaine aux postes de responsabilité. Elle a été à la hauteur de sa mission et de ses engagements. Rien d'étonnant si l'on sait que cette Dame est issue de deux parents exceptionnels. Touria Sekkat et Aziz El Ouadie, une femme de culture et un homme poète qui militait dans un temps où le militantisme n'était pas encore synonyme de mode. Avec sa femme, ils ont formé une famille imbue de savoir, de culture et de poésie. La famille de MAMA Assia.