Entretien avec Mohamed Ali Bensouda, directeur de CDG Prévoyance ALM : Vous venez de tenir, en ce mois de décembre, le premier hackathon de l'innovation que vous avez baptisé «Prévoithon 2019». En quoi la digitalisation constitue-t-elle aujourd'hui un virage stratégique pour CDG Prévoyance ? Mohamed Ali Bensouda : Je tiens d'abord à préciser la distinction que nous faisons entre d'une part notre stratégie de digitalisation et d'autre part, l'idée de hackathon en tant que démarche d'intelligence collective, ouverte sur le monde de la start-up et cohérente avec la manière et la vitesse avec lesquelles nous comptons mener certains chantiers structurants au niveau de CDG Prévoyance. L'engouement qu'a suscité le «Prévoithon» auprès de jeunes promoteurs et la dynamique qu'il a insufflée chez nos équipes internes sont de nature à nous conforter dans cette démarche. En ce qui concerne la digitalisation, je ne parlerais pas de virage stratégique étant donné que nos processus métier et une large gamme de nos services client sont déjà digitalisés. Nous fonctionnons, à titre d'exemple, selon une plateforme « zéro papier » que nous avons mise en place depuis 2003. Nous ne considérons pas la digitalisation comme une fin en soi ni comme un reflet d'une certaine modernité conforme à la tendance internationale. Nous la voyons plutôt comme un outil déployé au seul service du citoyen dans le cadre de la vocation sociale que nous portons, et que porte la CDG depuis sa création. Nous sommes d'ailleurs convaincus qu'une part de nos processus et de nos services restera non digitalisée vu son caractère particulier et la forte intervention humaine qu'elle continuera de nécessiter. Par ailleurs, à travers ce «Prévoithon», nous avons cherché à innover en explorant de nouvelles «zones de digitalisation» qui vont au-delà de ce que nous menons au jour le jour comme projets digitaux. Avez-vous relevé auprès de vos différents partenaires et clients des demandes spécifiques et/ou persistantes sur les solutions digitales ? C'est là l'une des grandes particularités de la démarche «Prévoithon», celle du design Thinking fondée sur l'empathie avec le citoyen que nous avons placé au centre de la réflexion. Une réflexion émanant bien sûr de l'expérience cumulée des collaborateurs et experts de CDG Prévoyance, mais surtout, de citoyens, retraités ou affiliés à nos régimes, qui se sont ouvertement exprimés autour de leurs besoins concerts, leurs doléances majeures et leurs souhaits d'évolution de la prestation de CDG Prévoyance. Ces attentes, qui ont été exprimées dans un grand esprit de franchise et de spontanéité, ont constitué la matière première de tout le travail mené par 52 collaborateurs de CDG Prévoyance et 13 start-up durant 72 heures continues. Un travail de création et d'itérations soldé par des solutions technologiques réalisables à forte valeur ajoutée, mais aussi des idées de grande valeur qui alimenteront notre réflexion et partenariats futurs. Quatre équipes ont été primées, mais le vrai gagnant est, encore une fois, le citoyen marocain qui verra le service de CDG Prévoyance connaître, grâce à cette initiative, des améliorations substantielles au niveau de deux thématiques centrales dans son interaction avec nous, à savoir le contrôle de vie et la transmission d'information. A votre avis, la digitalisation pourrait-elle donner naissance à de nouveaux produits et nouvelles prestations d'assurances ? Plus que cela, je dirais que la digitalisation est à l'origine de nouveaux comportements client, de nouvelles activités et de nouveaux besoins qui font appel, soit au développement de nouveaux services autour de produits existants, soit carrément à la création de nouveaux produits. Dématérialisation, automatisation des processus, robotisation, intégration des objets connectés et de l'intelligence artificielle font désormais partie des préoccupations essentielles des « industries de services » au sens large de par le monde. La concurrence exacerbée et la volonté de différenciation contribuent à l'accélération de cette tendance. En ce qui concerne CDG Prévoyance, nous explorons toutes les facettes de cette évolution et le potentiel de développement qu'elle nous offre, tout en restant fidèles à nos différentes missions afférentes à la CNRA et au RCAR et notre stratégie qui se veut utile pour le pays et le citoyen. CDG Prévoyance, c'est la CNRA et le RCAR. La première particulièrement est probablement l'un des plus vieux régimes en matière de gestion de retraites. Quelle appréciation portez-vous aujourd'hui sur les presque 60 ans d'existence ? Depuis sa création en 1959, la CDG s'est vue confier une mission imminemment sociale, celle d'apporter des solutions concrètes et déployables à des problématiques de prévoyance nées de contextes à la fois multiples et variés. Ses réalisations peuvent être appréciées à la lumière de son positionnement actuel dans le paysage de la retraite et de la prévoyance au sens large. Elle est actuellement gestionnaire du régime de retraite RCAR doté de la réserve la plus importante et affichant l'un des horizons de viabilité les plus longs. Ce régime qui a contribué à la structuration du système des retraites par les intégrations successives réussies d'une vingtaine de caisses internes. La CDG gère par ailleurs aux côtés du RCAR, et au niveau d'une même plateforme de gestion, des produits spécifiques, de moindre taille, mais tout aussi complexes. Je fais référence notamment aux produits de rentes et de transition sociale comme Daam Al Aramil et le Fonds d'Entraide Familiale, la gestion des AT/MP et des AC gérés à travers la CNRA. Ces 60 ans d'existence sont ainsi très riches en réalisations, au fil desquelles la CDG a renforcé son expertise, ses capacités et ses moyens pour continuer d'agir au service des pouvoirs publics pour la structuration et le déploiement de solutions viables aux coûts optimisés grâce aux grandes économies d'échelle permises par sa plateforme de gestion. Les systèmes de retraites au Maroc connaissent une évolution accélérée depuis quelques années sur fond d'une réforme majeure en gestation. En tant qu'opérateur majeur du paysage, quelle lecture faites-vous de la situation actuelle et surtout des défis à venir et orientations impératives que devrait prendre la réforme ? Nous percevons tous les enjeux multiples d'une réforme des retraites, et comme vous le savez, les pouvoirs publics, à travers, le MEFRA ont entamé cette année une étude dans ce sens. Nous faisons de ces enjeux une priorité absolue dictée par les évolutions intrinsèques au régime RCAR que nous gérons, mais aussi par le contexte de la réforme en cours à l'échelle nationale. Conscients des enjeux hautement stratégiques de cette réforme, nous nous inscrivons dans une collaboration entière et inconditionnée avec les autorités de tutelle et l'ensemble des parties prenantes pour l'aboutissement de ce projet. Nous mettons, ainsi, à la disposition des pouvoirs publics, notre vocation de tiers de confiance, notre expertise et expérience multi facettes pour apporter toujours des solutions de gestion utiles, innovantes et optimales. Nous poursuivons en parallèle notre contribution au développement du secteur de la retraite sur des bases solides conformément à notre vision et notre ambition d'opérer une gestion moderne et performante à la hauteur des attentes de nos concitoyens.