L'artiste plasticien Hassan Slaoui expose, jusqu'au 29 mars, ses œuvres, à la galerie Bab Rouah à Rabat. L'on verra rarement un artiste tourner de façon aussi radicale son dos à la vie d'aujourd'hui. Seule la magnificence du passé l'intéresse. Hassan Slaoui est fou des astrolabes. Il vit dans une magnificence passée. Celle du temps où les Arabes avaient donné aux hommes le moyen de configurer la voûte céleste sur un plan. En ce temps-là, le tropique du Cancer et celui du Capricorne n'avaient aucun secret pour eux. En ce temps-là, les Arabes apprivoisaient le temps. Les renseignements regroupés dans le cadran de l'astrolabe permettaient d'avoir l'heure sidérale, l'heure locale moyenne, la marche du soleil dans le ciel, la date approximative et le mois, l'heure du lever et du coucher de soleil, la durée du jour, celle de la nuit, l'étendue du crépuscule… Les astrolabes réalisés par Hassan Slaoui sont conformes aux premiers instruments du genre dessinés par les Arabes. L'une des œuvres de l'artiste est une réplique du plus ancien des astrolabes conservés, celui qu'a réalisé Ahmed Ibn Khalaf au 9ème siècle. Telle autre évoque un astrolabe fait à Marrakech au 13ème siècle par le Marocain Abou Bakr Ibn Yousouf. Le bois est l'unique support des astrolabes de Hassan Slaoui. Un bois aplati, poli et lissé. Il ne faudrait pas toutefois penser que cette étrange attirance de l'artiste pour une époque qui n'est plus se limite aux astrolabes. Ses autres œuvres participent aussi d'un temps révolu. Curieuse cette négation obstinée de la vie d'aujourd'hui dans le monde de représentations de Hassan Slaoui. Rien, absolument rien, de ce qui peut évoquer le monde où il vit n'entre dans la trame de ses préoccupations artistiques. Son cheminement dans le temps est à l'envers. En atteste la série de livres en bois, intitulés traités. L'encre et les couleurs avec lesquelles l'artiste a imprimé les caractères de ces traités ont été volontairement vieillies. La préoccupation du vieux se lit aussi dans les anciennes pièces de monnaie roumaines ou arabes qu'il représente. Ou encore dans les portraits de personnages habillés conformément à la mode d'il y a cent ans. Les autres œuvres en bois de l'artiste ressemblent à un fouillis abstrait d'où émerge toujours une bribe ou un morceau du passé. Que ce soit un bout de portrait ou une frise minutieusement ciselée, quelque chose du passé ou d'un savoir relevant de l'artisanat s'imprime toujours sur les œuvres de cet artiste. D'autre part, dans sa fascination pour le passé, Hassan Slaoui s'intéresse seulement à des objets luxueux. Les pièces usuelles, l'artiste s'en désintéresse complètement. Son travail sur la mémoire est sans pitié pour les objets qui ne brillent pas. Il faut qu'un détail représente une valeur où interviennent des critères de sélection qui ont très peu à voir avec la plasticité de l'objet pour que l'artiste s'en occupe. Cette magnificence dans l'ordre des préoccupations est cohérente. Et personne n'est en droit de reprocher à Hassan Slaoui son attrait pour le somptueux. Mais ses objets lisses, nickels, en dépit de leur âge, sont trop jolis pour générer de la tension. On les regarde, ils flattent notre rétine, mais l'on n'est pas fouetté par une charge énergique ou sortis de notre inertie de spectateur. Ce manque de tension confond souvent l'art de l'intéressé à de la décoration.