Le samedi 5 mars 2005, le directeur de 2M reçoit un coup de fil de Ahmed Ghazali, président de la HACA, lui intimant l'ordre d'arrêter instantanément la diffusion de la campagne Méditel, «Tapis rouge». Ces spots de publicité sont interdits d'antenne. Le samedi 5 mars 2005, le directeur de 2M reçoit un coup de fil de Ahmed Ghazali, président de la HACA, lui intimant l'ordre d'arrêter instantanément la diffusion de la campagne Méditel, «Tapis rouge». Ces spots de publicité sont interdits d'antenne. Le courrier portant décision a suivi. Une décision sans appel. Souveraine. La HACA est dans son rôle et le diffuseur est dans le sien. Et Méditel est dans les cordes. Ces pubs, selon la HACA, par leurs allusions perverses, discréditent le concurrent de Méditel même sans jamais le citer puisqu'ils ne sont que deux sur le marché. S'il y avait trois opérateurs, les choses se seraient passées, peut-être, autrement. Quand Méditel vante ses 3 engagements vis-à-vis de ses clients : réponse rapide aux réclamations, changement de téléphone défectueux, pas de file d'attente devant les guichets, elle laisse supposer que le concurrent est faible sur ces trois points. Nos sages ont décidé, donc, que c'était de la publicité comparative et qu'il y avait là une attitude de dénigrement du concurrent. La sentence est tombée. Fin de l'exposé des motifs. Maintenant, qui a saisi la HACA du délit ? Le concurrent ? Personne. Nous sommes dans le cas d'une auto-saisine. L'ANRT, le régulateur de ce secteur, n'a pas bougé alors qu'il avait les moyens légaux pour le faire. Il a préféré filer le bébé avec l'eau du bain à la HACA. Personne, non plus, n'a saisi le Conseil national de la concurrence puisqu'il est mort-né et que son président putatif a claqué la porte depuis longtemps. Personne, non plus, n'a considéré que cela représentait un litige commercial sérieux et consistant et qu'il fallait déposer une plainte express devant le Tribunal du commerce. Rien de tout cela n'a été fait. C'est Ghazali et son équipe qui héritent de cette pomme pourrie. Bien. Maintenant, il y a un problème. Un de grave. On dirait qu'il n'y a que la HACA qui bosse dans ce pays. L'éclectisme des sujets qu'elle aborde et les décisions qu'elle prend posent un problème de fond. Puisque tout, chez nous, commence et finit à la télé, la HACA a, désormais, à connaître tous les problèmes posés à notre pays et qui ne sont réglés nulle part. Quel rapport avec les islamistes ? C'est la HACA qui décide. C'est quoi la concurrence déloyale ? C'est la HACA qui décide. Quels sont les droits du consommateur ? C'est la HACA qui décide. Et ce n'est pas fini. Quand la HACA arrivera à la décision 999, elle en est à 5, on constatera qu'elle sera devenue, à l'insu de notre plein gré, les deux Chambres du Parlement réunies, le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, sa Chambre administrative, le secrétariat du gouvernement, le Conseil national de la concurrence déloyale, la SPA, la Commission de suivi des élections, le réalisateur du 20h de TVM, le documentaliste de 2M, etc. C'est un peu trop, mais ce n'est peut-être pas de sa faute. Au départ de la HACA, ce sont des gars, modernes et sympas, qui voulaient faire un truc comme il en existe ailleurs. Mais comme nous n'avons pas les législations et les arsenaux juridiques qui existent, justement, ailleurs les gars, qui n'en demandaient pas tant, se sont retrouvés tout seuls, en première ligne, en train de combler tous les vides qui caractérisent notre existence institutionnelle. Cela s'appelle une dérive car la HACA ne peut pas régler, à elle seule, tous les vrais problèmes de ce pays auxquels on a toujours apporté de fausses solutions. Cependant, si les gars de la HACA ont toujours la pêche, pourquoi continuent-ils de laisser passer à l'antenne, un spot de 52 minutes en guise d'émission qui s'appelle «Entreprendre». Cette émission est sympa. Le présentateur aussi. Les femmes qui étaient à l'honneur lors de la dernière émission étaient toutes, à mon goût, charmantes. Mais il y avait un problème. Chaque minute, des marques étaient citées et des sponsors nommément remerciés. Cela a un nom, c'est de la publicité, même pas clandestine, qui s'assume sans vergogne. On attend toujours l'émoi éthique et régularisateur de Ahmed Ghazali et son équipe. À moins que le sain exercice de l'auto-saisine, plus ou moins soufflée, ne soit effectivement sélectif.