Une maison de vente aux enchères a été créée au Maroc. Son directeur, Hicham Daoudi, s'est entouré d'une équipe de professionnels français. Fort de la réussite d'une première expérience réalisée à Marrakech, il veut rééditer l'exploit dès le 19 avril. Une maison de vente a été créée au Maroc. Le directeur de la Compagnie marocaine des œuvres & objets d'art (CMOOA) est un jeune homme de 26 ans. Hicham Daoudi dit s'être désintéressé de ses études en chimie pour se dévouer à sa passion : les maisons de vente. À Paris comme à Toulouse, il ne ratait pas une seule vente aux enchères, avec l'idée de pouvoir introduire le concept au Maroc. Il a réussi ce pari l'année dernière en fondant la CMOOA, et en réalisant au mois de décembre, à l'hôtel La Mamounia de Marrakech, une vente de peintures orientalistes qui s'est soldée par le chiffre global de 3 millions de DH. Les personnes qui ont assisté à cette vente ont été surprises par le professionnalisme de l'équipe qui a dirigé les enchères et par l'édition d'un catalogue de vente. La deuxième vente aura lieu dans le même endroit le 19 avril 2003. Mais elle intéressera assurément un large public d'amateurs, puisqu'il s'agira de la vente de peintres marocains. Des morts comme El Ouadghiri, Ben Ali Rbati, Ben Allal, Jilali Gharbaoui, Abbas Saladi mais également des peintres vivants dont Hassan El Glaoui, Miloud Labied, Fouad Bellamine, Farid Belkahia, Mohamed Kacimi et Houssein Miloudi. L'équipe qui va diriger cette vente est entièrement constituée de Français. Le commissaire-priseur est Bernard Galateau. Il sera assisté par trois experts : Laure Spistiel (spécialiste en objets d'art islamique), Linda Goldman (spécialiste en peinture) et Roger Farg (spécialiste en mobilier). On peut légitimement s'étonner que des Français, qui sont connaisseurs de domaines autres que la peinture marocaine, puissent établir l'authenticité de tableaux marocains et en donner une estimation. Karim Daoudi explique cela par le fait qu'un expert n'est pas seulement un bon connaisseur des œuvres d'un artiste, mais une personne qui a suivi des études pour exercer ce métier. «Un expert est capable d'authentifier un objet à partir des matières qui sont entrées dans sa composition et de détails techniques. Ce qui nécessite une longue formation», dit-il. Il ajoute qu'il existe un vide juridique dans notre pays en matière de ventes aux enchères. Au Maroc, les experts n'ont pas de statut clairement défini par la loi. En France, les experts sont affiliés au tribunal de commerce, et ils répondent de leurs actes devant ce tribunal en cas de contestation. Cela dit, les experts français qui vont veiller sur cette vente nous ont expliqué que le rôle assigné à un expert ne consiste pas à dire telle œuvre est authentique et telle autre est fausse en y jetant un coup d'œil. Bien au contraire, ils ont pour mission d'entrer en contact avec toutes les personnes susceptibles de posséder les qualifications nécessaires pour reconnaître l'authenticité d'une œuvre. Ils vont interroger dans ce sens les peintres marocains, les galeristes, les collectionneurs, les amateurs… Ces experts déplorent de surcroît leur grande responsabilité en comparaison avec leurs petits honoraires. Un expert perçoit généralement 3% du prix d'adjudication, et en cas de contestation, il est considéré comme le seul responsable. Cette responsabilité sera assurément engagée, puisque plusieurs faux des œuvres de Gharbaoui et Saladi circulent dans le marché marocain. D'autre part, la vente aux enchères détermine de façon plus ou moins rigoureuse la cote d'un artiste. Nombre des peintres vivants fixent eux-mêmes les prix de leurs tableaux. C'est à un vrai test qu'ils seront soumis lors de la vente du 19 avril. L'on pourra au moins savoir qui est surévalué et qui ne l'est pas. La CMOOA perçoit 25% sur chaque adjudication. Respectivement 10% du vendeur et 15 % de l'acheteur. Cette maison de vente, encore jeune, se fixe déjà des missions très ambitieuses. Elle veut régulariser le marché de l'art, faire du Maroc la plate-forme des ventes de peintures orientalistes et établir un catalogue raisonné des peintres marocains. Lorsqu'on sait qu'un catalogue de cette nature s'étend sur une dizaine d'années, et mobilise une équipe de chercheurs, l'on comprend qu'il sera très difficile à cette maison de vente de trouver les moyens de son audace.