La polémique sur les circonstances de la mort de l'agent secret italien, tué par des tirs américains à Bagdad, a pris de l'ampleur, dimanche en Italie. La version de l'armée américaine est vivement contestée par l'ex-otage. Après son arrivée, samedi dernier, à Rome la journaliste Giuliana Srgena, ex-otage en Irak, a raconté le calvaire qu'elle a dû vivre pendant un mois en détention. Une polémique s'est déclenchée en Italie où l'on se demande pourquoi l'armée américaine a tiré sur le convoi qui la transportait vers l'aéroport de Bagdad, avec ses quatre compagnons. La journaliste ainsi que trois de ses compagnons ont été blessés alors que la quatrième personne, un agent des services secrets italien, dénommé Nicola Calipari, a été tué. «Ma vérité», c'est sous ce titre qui fait la Une du quotidien de gauche Il Manifesto, que Giuliana Sgrena a raconté les circonstances de sa libération, vendredi dernier. En direction de l'aéroport " À ce point, je me rappelle seulement du feu, une pluie de feu et de projectiles s'est abattue sur nous", a t-elle raconté. "Le chauffeur a crié " Nous sommes italiens, nous sommes italiens". Nicola Calipari s'est jeté sur moi pour me protéger, et aussitôt, j'ai senti sa dernière respiration alors qu'il mourait contre moi (..) Mes pensées sont allées aussitôt à mes ravisseurs qui m'avaient dit de faire attention, parce que ce sont les Américains qui ne veulent pas que tu reviennes", des paroles que j'avais jugées superflues et idéologiques», a t-elle-assuré. En effet, d'après le récit de la journaliste, au moment où ses ravisseurs se prêtaient à la libérer, ils l'ont prévenues «de ne pas se faire remarquer avec eux sinon les Américains pourraient intervenir». Giuliana Sgrena n'a pas exclu l'idée selon laquelle les Américains l'ont attaquée personnellement en la prenant pour cible : "Tout le monde sait que les Américains ne veulent pas de négociations pour la libération des otages : alors je ne vois pas pourquoi je devrais exclure d'avoir été personnellement la cible de leurs tirs " a-t-elle déclaré à la chaîne de télévision italienne Sky TG24. Jusqu'à aujourd'hui, les magistrats italiens chargés de l'enquête n'ont recueilli aucun élément permettant de suspecter une attaque, ont indiqué dimanche soir des sources judiciaires citées par l'agence Ansa. Devant ces accusations, les Etats-Unis, en présentant leurs regrets, affirment que leurs soldats ont tiré parce que la voiture roulait trop vite et n'avait pas répondu à des sommations. La thèse a été fortement rejetée par Giuliana Sgrena. La mort de Nicola Calipari, dont les obsèques ont commencé lundi, et la blessure de Giuliana ont provoqué des tensions entre Rome et Washington. Le président du Conseil Silvio Berlusconi a convoqué l'ambassadeur des Etats-Unis à Rome. La colère a gagné les rangs du gouvernement italien, au sein duquel on n'hésite pas à mettre en doute la version américaine. "Nous voulons que les coupables soient punis et nous exigeons des excuses des Américains", a prévenu Alemanno dans le Corriere della Sera. "Nous sommes de fidèles alliés, mais nous ne devons pas laisser croire que nous sommes des subalternes", a ajouté le ministre de l'Agriculture. L'incident risque, également, sur le plan intérieur, de mettre dans l'embarras le Premier ministre italien en relançant l'opposition à la présence de quelque 3.000 militaires italiens en Irak. L'opposition de gauche a dirigé ses attaques contre Berlusconi alors que se profilent d'importantes élections régionales en avril, avant le scrutin législatif de 2006. "Les 57 millions d'Italiens qui étaient unis dans l'attente de la libération de Giuliana Sgrena ont le droit de savoir ce qui s'est passé", a réclamé Romano Prodi, chef de file de l'alliance de centre-gauche. Même si la presse italienne accusait les Américains d'avoir tiré sans raisons sur la voiture qui transportait Sgrena, elle s'est penchée sur la thèse d'une éventuelle bavure.