Relâché en décembre 2002 après avoir versé une caution à la justice marocaine dans le cadre du scandale de la BP Paris, Abdellatif Laraki, ex-P-dg de cette banque, vient d'être arrêté en Espagne sur demande des autorités judiciaires françaises. Abdellatif Laraki est de nouveau, «tombé». Cette fois, à Madrid, alors qu'il s'apprêtait à prendre part un tournoi de bridge, son péché mignon de toujours. Arrêté par les services espagnols de sécurité, sur demande des autorités françaises, l'ancien patron de ce qui était la plus grande banque du pays, à savoir la Banque populaire, figurait depuis longtemps sur la liste des recherchés d'Europol, équivalent européen d'Interpol. Il serait d'ores et déjà transféré en France, où il est poursuivi notamment pour infraction au droit de change et placements douteux en bourse de sommes émanant des comptes de MRE de France. Des chefs d'accusation relevant du droit pénal et donc passibles de peines de prison. Une arrestation qui relance un feuilleton aux rebondissements multiples dont il serait utile d'en rappeler les principaux épisodes. A commencer par l'arrestation de l'intéressé, au Maroc, un certain vendredi 4 octobre suite à une convocation de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) à Casablanca. Comme par hasard, la veille de son interpellation, Abdellatif Laraki, en joueur invétéré, participait à une partie de bridge au club de Golf de Casablanca. Avec lui d'autres compagnons d'infortune ont également été interpellés. Parmi eux, Hicham Aït Manna, fils du célèbre homme d'affaires de Mohammédia décédé il y a quelques années, Mohamed Benkirane, ex-directeur général de la BP à Paris, Mustapha Rar, qui lui avait succédé et deux autres responsables de la banque. L'affaire remonte à 1996, deux ans avant le départ à la retraite de Laraki. Jouissant de toutes les prérogatives des grands banquiers de la place, il avait demandé au ministère de tutelle l'autorisation pour transférer le montant de 50 millions de francs français pour la restructuration de la Banque populaire de Paris, censée répondre aux besoins des MRE pour les opérations de transfert de leur argent au Maroc, mais aussi diversifier ses métiers et leurs élargissements à l'octroi de crédits au profit des PME-PMI. Une année plus tard, en 1992, la BP Paris est en situation catastrophique. L'alerte est donnée et une commission d'enquête est dépêchée sur place le 27 juillet 1996. Le Verdict est sans appel. Il y a bel et bien eu détournement et dilapidation des fonds de la banque. Abdellatif Laraki est épinglé. Deux mois plus tard, le dossier était déjà entre les mains de la Cour Spéciale de Justice (CSJ) qui saisit, à son tour, la BNPJ de Casablanca. L'enquête policière démarre. Les chefs d'accusation retenus contre Abdellatif laraki sont accablants. Ils vont de la dilapidation des deniers de la banque à l'octroi de crédits à des clients insolvables. L'implication des cadres précités de la banque est avérée dans plusieurs opérations de malversation, comme l'octroi de crédits sans garantie et facilités de caisse non justifiée, fausses informations sur les statuts des créanciers et non déclaration des créances en souffrance. La BNPJ reproche notamment à Abdellatif Laraki le transfert en 1997 sur son compte personnel à Paris, sous couvert d'une opération légale, de sommes énormes, sans l'autorisation de l'Office des Changes. Autre chef d'accusation, le financement de l'achat d'un appartement à Paris pour la bagatelle de 7.200.000 FF et son équipement estimé à 430.400 FF. Et comme par hasard, toutes les entreprises qui ont contracté des crédits auprès de la BP Paris sont passées en liquidation judiciaire. A titre d'exemple, la société Sagil Communication, dont Hicham Aït Manna était un associé à travers un prête-nom, Abderrahim El Abbassi, dit Rahim, retranché depuis au Canada. La société avait contracté un prêt de 22 millions de francs français accordés en 1996 par la BP Paris. Le prêt était destiné en principe à financer un projet de création d'une société de négoce, de droit français, et dont les principaux actionnaires sont les Ohayon, en plus de l'homme de paille de Hicham Aït Manna. Mais ce qui était présenté au départ comme un projet ambitieux, avec des points de vente partout en France, tourne au vinaigre. La faillite est totale. L'emprunt ne sera jamais remboursé. A chaque fois, la commission bancaire française, l'équivalent de Bank Al-Maghrib, saisissait les autorités financières marocaines au sujet des nombreuses irrégularités constatées. Niant en bloc ces accusations, Laraki a été écroué à la prison civile de Salé, où il été mis sous mandat de dépôt avant de comparaître devant la CSJ pour répondre de chefs d'accusation aussi graves que « malversations, détournements de fonds et abus de pouvoirs». Laraki n'en a pas moins bénéficié, le mercredi 4 décembre de la même année et moyennant une caution de deux millions DH, de la liberté provisoire. Une mesure assortie d'une interdiction de quitter le territoire national, levée par la suite sur la demande du concerné qui présente plus d'une garantie. Hicham Aït Manna est également remis en liberté la veille en échange d'une garantie d'un même montant. Les autres cadres de la BP détenus dans le cadre de ce dossier sont eux aussi relâchés. Croyant qu'il s'en était bien tiré qu'il ne sera jamais inquiété, Laraki est conforté dans ses certitudes par le fait qu'il s'était acquitté de tous les crédits et les dépenses personnelles dont il bénéficiait, notamment son hôtel particulier de Paris. De même, il affirmait, dans sa demande de levée d'interdiction de quitter le Maroc, avoir réglé tous ses problèmes avec la Banque à l'exception des indemnités de l'ordre de 650.000 francs français qu'il avait versés à deux cadres de la banque à Paris. Si M. Laraki estime avoir réglé ses problèmes au Maroc, il n'en est pas de même en France où les autorités judiciaires de ce pays lui reprochent un certain nombre d'infractions aux lois bancaires locales dont quelques unes relèvent du pénal.