Des propos qui nous renvoient collectivement à l'âge de pierre… La lutte contre les préjugés sexistes, contre les attitudes et les comportements machistes, contre les inégalités entre hommes et femmes, pour la parité… est un travail sur le long terme, ardu, qui demande arguments, persuasion et persévérance. Lorsque l'on est engagé dans ce combat toute aide est précieuse, tout soutien est le bienvenu : demandez à tous les militants, ils vous diront la même chose. Alors lorsque l'on est journaliste, animateur, sur une radio de grande audience, que l'on s'exprime sur le sport national qu'est le football, on se doit d'être particulièrement responsable dans ses propos. C'est un devoir ! Parmi les auditeurs, nombre de jeunes – en phase donc de construction de leurs valeurs, de leurs repères – vont se prendre en pleine face ces propos et c'est alors tout un travail de pédagogie qui s'écroule… Je ne connais nullement le journaliste en question, mais peut-être a-t-il une épouse, des filles… quel visage peut-il donc bien leur offrir lorsqu'il se retrouve en face d'elles et qu'il vient de dire une phrase hallucinante à une auditrice, sur le ton le plus humiliant qui soit ? Comment en 2019 peut-on dire en s'adressant à la moitié du Maroc (oui la moitié des Marocains sont des Marocaines) : le football est une affaire trop sérieuse pour vous, laissez ça aux hommes et retournez à vos cuisines, ajoutant intéressez- vous plutôt aux recettes de Choumicha !!! Mais vraiment c'est ce qui s'appelle avoir tout faux : d'abord s'intéresser aux recettes de notre Choumicha nationale n'est nullement réservé aux femmes, combien d'hommes parmi nos grands chef(fe)s et combien d'hommes qui adorent faire la cuisine ? Faire de la cuisine l'espace dans lequel la femme trouve son aire naturelle -et doit s'y cantonner- est tout simplement hallucinant et fait fi du combat mené par tant et tant de femmes – et d'hommes – pour sortir de ce carcan qui a enfermé, et continue d'enfermer «la moitié de l'humanité». Ensuite décrire le foot comme étant exclusivement une affaire d'homme est une contre-vérité que l'on ne devrait pas se permettre de commettre lorsque l'on est commentateur sportif : oui des femmes aiment le foot, oui des femmes jouent au foot, oui les femmes ont un jugement qu'elles ont le droit d'exprimer, sur tel joueur, sur telle action, sur telle faute… Comme hélas dans bien d'autres domaines certains d'entre nous veulent assigner à résidence d'autres compatriotes, et avouons- le ce sont les femmes qui en paient le prix ! Le «circulez y'a rien à voir» de ce journaliste est un non-sens, un résidu d'une époque que l'on voudrait résolue, mettons en parallèle ses propos et l'arrivée à la présidence d'une Région de M'barka Bouaida, et nous verrons à quel point, Dieu merci, de tels réflexes sont voués aux poubelles de l'Histoire. Pour autant il ne faut pas laisser passer ce genre de dérapage, qui vient d'une personne qui a pignon sur rue, et qui de par l'écho que procure un micro, mettent à mal le travail de pédagogie que nous sommes nombreux à pratiquer sur le terrain, notamment auprès des jeunes générations. La HACA s'est auto-saisie le jour même de ce scandale, il nous faut nous en réjouir : réflexe sain et salutaire ! Depuis, de nombreuses plaintes ont été enregistrées, saluons la rapidité avec laquelle la Haute Autorité a saisi l'importance de l'enjeu: laisser libre cours à ce genre de «petite phrase» serait une sorte de chèque en blanc au populisme, au machisme, au sexisme… Nous serons très nombreux à guetter le verdict des «Sages», et pas seulement les femmes ! Nombre d'hommes ont compris que de tels propos sont un piège et un affront pour eux aussi : les unes et les uns sont victimes de ces visions étriquées et humiliantes.