Les ministres des Affaires étrangères des 114 pays du Mouvement des Non-alignés ont adopté, en Malaisie, le principe d'une résolution rejetant toute initiative unilatérale américaine en Irak et réaffirmant «le rôle central» du Conseil de sécurité pour régler pacifiquement la crise. La Grande-Bretagne s'attend à ce que le second projet de résolution sur l'Irak soit présenté au Conseil de sécurité au début de cette semaine et soumis au vote pour décider d'un recours automatique à la force contre Bagdad s'il n'obtempère pas aux injonctions des Nations unies. La détermination américaine reste inébranlable. Le département d'Etat vient de réaffirmer que la destruction des missiles « As-Soumoud 2 » irakiens, dont la portée dépasse de 30 kilomètres les 150 km autorisés par l'ONU, n'est pas suffisante pour juger de la volonté de Saddam Hussein de désarmer, affirmant que ces missiles sont déjà connus depuis longtemps et difficiles à dissimuler. «Si Bagdad décidait de détruire ses armes de longue portée, ce serait juste le sommet de l'iceberg. Ma question c'est : pourquoi ne détruisent-ils pas toutes leurs armes de destruction massive», déclare George W. Bush. Le Kremlin a dépêché, le week-end dernier, l'ancien Premier ministre russe, Evgueni Primakov, à Bagdad pour une mission confidentielle. La Russie a d'importants intérêts économiques en Irak. Elle milite pour que les inspecteurs en désarmement de l'ONU aient plus de temps pour achever leur mission. On n'a pas donné d'informations précises sur cette mission, ce qui semble ne rien changer aux plans américains. La stratégie américaine prévoit de prendre l'Irak en tenaille entre un front Nord en Turquie et un front Sud au Koweït. À Ankara, le Conseil des ministres turc se réunit aujourd'hui pour discuter de l'éventualité de réunir le Parlement pour voter l'autorisation d'un déploiement d'unités combattantes américaines. Un haut responsable américain a confirmé, de son côté, qu'Ankara et Washington travaillaient et sont parvenus à un accord sur la question. Au plan diplomatique, les ministres des Affaires étrangères des 114 pays du Mouvement des Non-alignés ont adopté, en Malaisie, le principe d'une résolution rejetant toute initiative unilatérale américaine en Irak et réaffirmant «le rôle central» du Conseil de sécurité pour régler pacifiquement la crise. Le projet de cette résolution sera soumis au Sommet des Non-alignés qui démarre aujourd'hui à Kuala Lumpur en présence d'une soixantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, représentant les deux-tiers des pays membres de l'ONU. La résolution demande aussi à Bagdad de continuer à se conformer activement à la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Les Non-alignés affirment qu'une guerre contre l'Irak serait «un facteur de destabilisation de toute la région et qu'elle aurait des conséquences humanitaires, économiques et politiques incalculables pour tous les pays dans le monde (…) Nous réaffirmons notre engagement à mobiliser nos efforts afin de trouver une solution pacifique au blocage actuel. Nous saluons et soutenons tous les efforts exercés pour éviter la guerre et demandons leur poursuite constante sur une base multilatérale par opposition aux actions unilatérales et réaffirmons le rôle central de l'ONU dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde». Depuis la chute du communisme, le Mouvement des Non alignés, né de la volonté d'échapper à la dépendance vis-à-vis de l'un ou de l'autre des blocs communiste et capitaliste, c'est-à-dire de l'ex-URSS ou des Etats-Unis, s'est interrogé sur son devenir. La dénonciation par les Etats-Unis d'un axe du mal comprenant l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord a donné paradoxalement un nouvel élan au Mouvement. Concernant la nouvelle résolution qui serait soumise incessamment au Conseil de sécurité, Ari Fleicher porte-parole de la Maison Blanche a laissé entendre qu'elle constituerait pour l'ONU une dernière chance d'agir avant que les Etats-Unies ne décident d'entrer en guerre sans son soutien. Bush et ses principaux collaborateurs doivent contacter personnellement, dès cette semaine, les dirigeants des pays qui siègent au Conseil de sécurité pour faire pression sur eux et obtenir leur adhésion au projet de résolution en question. Selon une source américaine, 210.000 soldats sont à présent déployés dans le Golfe, prêts à envahir l'Irak.