Alors qu'elle avait tenu sa promesse en tant qu'expression de manifestation contre la guerre, la marche de dimanche a tout de même été moins importante que celles qui l'ont précédée. Contrairement à certaines attentes, la marche du 23 février contre la guerre en Irak n'a probablement pas dépassé, en termes d'importance massive, celles qui l'ont précédée, notamment la dernière manifestation de soutien au peuple palestinien qui a eu lieu le 7 avril 2002. Probablement, ce fait est dû aux problèmes qui ont caractérisé la marche de 16 février 2003 se soldant par un échec patent en raison de certains petits calculs affichés par des acteurs minoritaires qui voulaient s'ériger en meneurs de masses. Certes, à défaut de données chiffrées précises, le nombre de manifestants a tourné aux alentours des 30.000 à 40.000 personnes, mais d'autres observateurs avancent des chiffres beaucoup plus importants. Ainsi, l'«Agence Associated Press» a estimé le nombre de participants à près de 100 000 manifestants et a cité le chiffre de 60 000 avancé par «des sources officielles». Par contre, l'«Agence France Presse» donne sa propre estimation à quelque 25 000 manifestants. Même en ayant connu la participation de l'ensemble de ses dirigeants politiques partisans, sur le terrain, les partis nationaux classiques ont été débordés par la marée humaine agissant sous «la conduite des islamistes». Au-devant de la marche, il était visible que les différents leaders politiques ont été d'accord pour reléguer au second plan leurs appartenances partisanes et les «sacrifier», momentanément, sur l'autel de la lutte contre la guerre. Ils étaient, donc, tous au rendez-vous : Abderrahman Youssoufi, premier secrétaire de l'USFP (Union socialiste des forces populaires), Abbas El Fassi, secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, Abdelkérim El Khatib, secrétaire général du PJD ( Parti de la justice et du développement), Ahmed Oisman, président du RNI (Rassemblement national des indépendants), Mohamed Abied, secrétaire général par intérim de l'UC ( Union constitutionnelle) Ismaïl Alaoui du PPS ( Parti du progrès et du socialisme) et Mohamed Bensaïd Aït Idder de la Gauche socialiste unifiée (GSU), etc. Une «demi-douzaine de ministres du gouvernement marocain se sont joints au cortège», selon AP. Au centre de la manifestation, les Islamistes ont occupé les lieux. Ils ont constitué la force politique la plus importante de la marche, et se sont distingués, comme d'habitude dans ce genre d'événements, par leur haut niveau de discipline et l'unicité des slogans qu'ils brandissaient ; et ce alors que les partisans des autres partis étaient diffus et scandaient divers slogans. A la queue du défilé, se trouvaient, parmi les manifestants, les deux ministres de l'USFP, Fathallah Oualalou et Habib El Malki. Mais, au cours de cette manifestation qui s'est déroulée, comme à l'accoutumée, dans le calme, un fait paradoxal s'est distingué à un moment donné, lorsqu'une banderole émergeait des rangs des Islamistes disant que « ceux qui ne soutiennent pas l'Irak, ne méritent pas de vivre ». Heureusement que ce slogan a fait exception et qu'en dépit de certains comportements très rares et marginaux, il y avait cette unanimité de la part d'un peuple qui a manifesté contre la guerre et dont les représentants politiques sont conscients de la gravité de la conjoncture et des répercussions désastreuses d'une guerre contre l'Irak sur l'équilibre stratégique dans le monde, notamment le monde arabo-musulman.