Bruno de Mori, président-directeur général de Fiat Auto Maroc, passe en revue les points sur lesquels butent les négociations engagées avec le Maroc. Fiat envisage sérieusement d'arrêter ses activités industrielles à la fin 2003 et de se concentrer sur l'import. Plusieurs nouveautés seront au programme en 2004. ALM : Où en êtes-vous dans vos négociations avec le gouvernement marocain ? Bruno de Mori : Après des mois de négociations et malgré tous les efforts faits par nous-même et nos partenaires (concessionnaires et fournisseurs), nous n'avons pas obtenu à aujourd'hui les conditions financières minimales qui nous auraient permis de prolonger notre présence industrielle au Maroc. Dans l'accord de 1995 qui prend fin en décembre 2003, nous avions l'exclusivité sur la fabrication des véhicules de transport passagers. Pour 2004 et 2005 ce n'est plus le cas. C'est le problème le plus important, mais pas le seul. Le deuxième problème est dû au fait que nous avons une exposition TVA très importante qui, à valeur comptable, dépasse les 70 millions de dirhams pour laquelle nous avons demandé le remboursement. Cette question malgré différentes réclamations n'a pas été réglée. En conséquence, nous sommes contraints d'arrêter les activités industrielles mais nous garderons en la renforçant notre activité commerciale. La finalité pour nous est de continuer à satisfaire la demande du client marocain. Comment avez-vous accumulé un arriéré de TVA aussi important ? C'est simple. Nous vendons à nos clients via notre réseau de concessionnaires avec une TVA de 7% alors que nous, nous payons une TVA de 20% pour les forfaits de montage à la Somaca. Ce différentiel est énorme. Nous ne pouvons plus accepter de continuer à travailler avec un crédit de TVA aussi élevé qui continuera à augmenter si nous maintenons le montage des véhicules. Nous avons demandé à ramener la TVA au même niveau que la voiture économique pour tous les services liés à la promotion du projet comme la publicité et la formation par exemple. Vos coûts sont-ils encore compétitifs ? Nous avons beaucoup amélioré les coûts de tous les composants qu'ils soient locaux avec nos partenaires fournisseurs ou au niveau du CKD importé. Malheureusement, cela n'est pas suffisant. Vous savez, le projet qui a vu le jour en 1995 avait des prévisions de vente bien plus importantes que nos réalisations actuelles. Une baisse des volumes associés à des forfaits de montage élevés nous donne une perte de compétitivité. A titre d'exemple une Palio model Year importée montée, peut se vendre aujourd'hui à un prix à peine supérieur de 8 à 9% à la Palio actuelle malgré les droits de douane et une TVA à 20%. Commercialement, l'importation nous permettra d'offrir à nos clients un plus grand choix dans les versions, les motorisations et les options. C'est pour cela que nous envisageons sérieusement l'option de l'import. Dans ces conditions, on peut dire que la voiture montée localement n'est pas rentable ? Je pense que le transfert dans un pays du montage d'une voiture pour des productions de moins de 10 000 à 20 000 unités par an est difficilement rentable s'il n'y a pas une protection suffisante pour assurer un niveau de vente satisfaisant. Ajouté à cela la complexité logistique, les coûts de transport, les délais de livraison, etc… C'est le cas pour FIAT au Maroc où nous sommes cette année à 8 700 unités alors que le projet prévoyait dans sa version pessimiste 15 000 unités. La réussite d'une voiture montée localement dépend du coût de production et d'un volume minimum à vendre. Pour cette raison, l'exclusivité est indispensable pour la continuation industrielle de FIAT au Maroc. Il nous faut 10 000 à 11 000 voitures par an en moyenne pour équilibrer les comptes. Puisque l'amortissement des investissements fait depuis 1995 dans la ligne de production à la Somaca et dans les équipements pour nos fournisseurs s'élève à plus de 400 millions de dirhams. Ces investissements ont contribué pour beaucoup à la création d'une véritable industrie automobile au Maroc. Vos difficultés ne viennent-elles pas de la concurrence ? Il est certain que les véhicules utilitaires légers nous ont pris 40% de nos parts de marchés depuis 1998. Il s'agit d'une concurrence non prévue dans le contrat initial signé avec le gouvernement en juin 1995. Ces véhicules qui sont destinés et conçus pour le transport des marchandises se retrouvent équipés de banquette et de vitres arrières pour le transport des personnes. Dans les statistiques officielles, ils sont considérés comme utilitaires. Mais en réalité c'est une partie de notre cible qui est prise par cette concurrence cachée. Où en êtes-vous aujourd'hui? Et que prévoyez-vous pour 2004? Au mois d'octobre, nous avons eu 31% de parts de marchés et nous prévoyons de finir l'année à 29% dans le segment des voitures particulières. Ce qui fera de FIAT la première marque vendue au Maroc pour la neuvième année consécutive. Pour cela je profite de votre journal pour remercier tous les clients marocains qui nous ont fait confiance et qui ont été fidèles à notre marque, nous comptons beaucoup sur eux pour prolonger notre succès au Maroc. Après l'arrêt de la production locale à partir du 31 décembre, nous allons importer une nouvelle gamme de produits en motorisation essence et diesel à des prix extrêmement compétitifs et qui obéissent aux meilleurs standards internationaux en vigueur au niveau qualitatif. Il ne restera plus que la FIAT Stilo que nous avons introduit en 2002. Toutes les autres seront remplacées. Nous prévoyons 7 nouveaux lancements début 2004 pour remplacer la gamme actuelle, dont la nouvelle Panda qui est parmi les cinq sélectionnées pour le titre de voiture de l'année 2004 en Europe. Avec pour objectif de rester parmi les leaders du marché automobile marocain dans lequel nous sommes présents depuis plus de 40 ans et vu la confiance que nous a toujours fait le client marocain, nous resterons au moins une autre quarantaine d'années. Concernant les autres marques du groupe FIAT ? Pour Alfa Romeo que le public marocain a retrouvé en 1996 après plusieurs années d'absence, elle est devenue une des références dans le segment des voitures de luxe à vocation sportive. Alfa Romeo, subira aussi un rajeunissement de sa gamme et il y aura l'introduction de 3 nouveaux modèles dont le coupé l'Alfa GT en motorisation essence et diesel. Pour accentuer la notion «D'italianité» de notre entreprise nous étudions la possibilité d'introduire dans le segment des hautes gammes la marque Lancia en introduisant 3 modèles : la nouvelle Ypsilon qui a été présentée au salon de Francfort au mois de septembre, la Lybra dans le segment des moyennes et le vaisseau amiral de la marque la Thesis. Nous pensons que la marque peut faire son entrée sur le marché marocain à l'occasion du salon automobile de Casablanca au mois de mai 2004.