Soupçonné d'être lié aux exactions commises dans son pays par les terribles escadrons de la mort, le président ivoirien tente à présent de sortir d'une crise qui a sali son pouvoir comme le reste du pays. Après la rapide visite de travail qu'a effectuée mercredi au Ghana le président Laurent Gbagbo, l'idée d'un sommet ouest-africain consacré à la crise ivoirienne faisait son chemin jeudi. «Il y aura peut-être une nouvelle réunion de chefs d'Etat, avec le secrétaire général des Nations unies, le président de l'Union africaine, celui de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (le président ghanéen John Kufuor), le président ivoirien bien sûr, et un représentant de la France, samedi ou dimanche à Yamoussoukro », la capitale de la Côte d'Ivoire, a indiqué le dirigeant sénégalais, Abdoulaye Wade. M. Gbagbo peut-il espérer renverser la vapeur en obtenant le soutien de ses homologues ouest-africains ? Depuis une dizaine de jours, il s'est appliqué – implicitement – à remettre en cause les accords de Marcoussis, qu'il a signés le 25 janvier à Paris. Conforté par la grogne d'une partie de la population et par l'opposition d'un grand nombre de responsables politiques et militaires, Laurent Gbagbo a indéniablement participé au rejet du plan de paix initié par la France, des réformes constitutionnelles qu'il contient à la présence des rebelles dans le futur exécutif censé être « d'union nationale ». Reste que le dirigeant vient d'être placée dans une position encore plus délicate par la publication d'un rapport élaboré par le Haut commissariat aux réfugiés pour l'ONU. Le journal français La Croix en avait extrait des passages mercredi concernant les « escadrons de la mort » constitués « d'éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d'une milice tribale de l'ethnie du président ». Si cette étude n'a pas cité de noms, le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, Sergio Vieira de Mello, a estimé jeudi que son administration pourrait « facilement » identifier les responsables de ces bandes organisées pour tuer. Le diplomate brésilien a souligné que la Cour pénale internationale était aussi compétente pour juger les auteurs d'exactions. Ces meurtres ciblés, et qui ont visé des opposants au pouvoir, ne sont pas les seuls cas de violation des droits de l'homme. Outre le drame humanitaire causé par la fuite de 600.000 civils, on y relève la destruction – assortie de pillages et de violences - ordonnée jusqu'en décembre des bidonvilles d'Abidjan où s'entassaient des immigrés libériens et burkinabé. A cela s'ajoute la mort d'environ 2.000 personnes, la plupart victimes d'exécutions sommaires dans les zones gouvernementales. «L'existence de charniers a été signalée dans trois endroits, à savoir Daloa, Bouaké et Monoko-Zohi » où ont eu lieu des combats entre les rebelles et les troupes loyalistes. Des disparitions et des arrestations arbitraires tout comme la pratique de la torture, des viols et des vols ont aussi été constatées dans les deux camps. «Les atteintes au droit à la vie se traduisent par l'ampleur des exécutions sommaires, extrajudiciaires et arbitraires commises dès le début de la mutinerie à Abidjan, à Bouaké et à Korhogo. Ces exécutions sont perpétrées par les deux parties en conflit» commente le rapport issu d'une visite de plusieurs membres du HCR fin décembre. Laquelle mission fait aussi part de ses soupçons sur l'enrôlement d'enfants par les armées des deux camps. Face à cette situation précaire, l'ONU a déjà décidé jeudi un début d'évacuation de son personnel du pays – «la phase 4». Sur ses 110 agents, une trentaine devraient partir et certaines instances, comme la Banque africaine de développement qui a son siège à Abidjan, être délocalisées. Le pire serait-il encore à venir?