La Maison Blanche minimise l'opposition de Paris. Bush passe outre les réticences de l'ONU et prépare l'après-Saddam. Washington risque de gagner la guerre et de perdre la paix. L'Administration américaine tente de marginaliser l'opposition de la France à une guerre en Irak. Le Conseil de sécurité étale des divergences sur l'Irak. La France menace d'utiliser son droit de véto, alors qu'Américains et Britanniques brandissent la menace de conflit et minimisent la promesse de Bagdad de coopérer avec les inspecteurs en désarmement de l'ONU. Français, Chinois et Russes, notamment, jugent prématuée toute action militaire. Rappelons que les Nations unies avaient voté la résolution 1441 ordonnant à l'Irak d'éliminer d'éventuelles armes de destruction massive. La prochaine étape, dans le processus prévu par cette résolution, est la présentation, le 27 janvier, d'un rapport par les chefs des experts sur les résultats de leurs inspections. Les Etats-Unis estiment que la résolution 1441 permet d'intervenir militairement, sans repasser par le Conseil de sécurité, alors que la France juge qu'une nouvelle résolution est nécessaire avant toute opération armée. Bush soutient que «Saddam Hussein joue à cache-cache. Il veut que le monde se concentre sur les inspecteurs mais la question ce n'est pas les inspecteurs, c'est le désarmement de l'Irak». «Il a des armes de destruction massive parmi les plus mortelles au monde qui représentent une menace directe pour les Etats-Unis, nos amis et nos alliés», a-t-il assuré. Cette échéance ne semble pas trop préoccuper le président George Bush, décidé à passer outre le calendrier onusien. Il vient d'affirmer, avant même les inspecteurs de l'ONU, que Saddam Hussein ne désarmait pas et que les Etats-Unis interviendraient militairement le moment venu pour l'y contraindre. «Il a eu beaucoup de temps pour désarmer. Nous avons eu beaucoup de temps pour constater qu'il utilise aujourd'hui les vieux trucs du passé. De combien de temps avons-nous besoin pour voir que, clairement, il ne désarme pas?», a-t-il affirmé. Il ne semble pas ainsi accorder beaucoup d'importance aux déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui estime que «rien ne justifie de rompre le fil des inspections pour entrer dans le temps de la guerre et de l'incertitude». D'ores et déjà, on parle à Washington de l'après-Saddam Hussein. Dans un rapport, rédigé par un Institut américain de politique internationale, initié par l'ancien secrétaire d'Etat James Baker, on énumère les « opportunités et les défis » que représente le pétrole irakien dont les réserves prouvées sont de 112 milliards de barils, les deuxièmes au monde après celles de l'Arabie saoudite. Le rapport, qui détaille l'état des gisements et de l'infrastructure pétrolière «après deux guerres majeures et une décennie de sanctions», estime qu'il faudra entre 18 mois et trois ans pour rétablir la production à son niveau précédant l'invasion du Koweït en 1990 (3,5 millions de barils/jour). Il précise que des travaux massifs d'infrastructure s'imposent, ce qui nécessite l'assistance d'un consortium international. «L'élaboration d'une campagne de diplomatie viable et crédible» est également recommandée afin de «contrer les activistes anti-guerre occidentaux, l'opinion arabe, l'Irakien moyen et les médias internationaux qui tous accusent les Etats-Unis de préparer une attaque contre l'Irak, non pour démanteler les armes de destruction massive, mais comme un camouflage pour voler le pétrole d'Irak au profit des intérêts pétroliers américains». Le rapport est parti du postulat d'opérations militaires «sur une large échelle et une période relativement courte», sans considérer «le pire scénario d'un enlisement des Etats-Unis en Irak dans une guérilla urbaine de longue durée». Sur le plan diplomatique, la Turquie organise, ce jeudi à Istanbul, au niveau des ministres des Affaires étrangères, une réunion à six (Jordanie, Arabie saoudite, Syrie, Egypte et Iran) pour coordonner leur politique dans la perspective du conflit qui s'annonce imminent. Une réunion de suivi ou un sommet de chefs d'Etat ou de gouvernement pourrait éventuellement avoir lieu à Damas. La Turquie, pays initiateur de cette réunion, est tiraillée entre une opinion publique qui s'oppose à l'invasion de l'Irak et les pressions de son allié américain qui souhaite sa pleine participation à cette guerre programmée de longue date. La Turquie est, rappelons-le, le seul pays musulman membre de l'OTAN.