Nourrissant une rancune tenace contre celui qui l'a empêché de convoler en justes noces avec sa bien-aimée, il a fini par tuer celui-ci la nuit du mariage de la jeune fille avec un autre homme. Un acte qui lui a valu la prison à perpétuité. Sa tête rasée baissée, vêtu d'un blouson de cuir et d'un jean, Bouchaïb se tient devant les magistrats de la Chambre criminelle, premier degré, près la Cour d'appel de Settat. Cet orphelin de père, natif du douar de la région d'Ouled Ziane, journalier de son état dans les champs d'agriculture, n'a mis les pieds à l'école que l'espace d'une seule année avant de se contenter de vagabonder dans les champs avec les enfants du douar. Au fil du temps, il est devenu de plus en plus méchant, ce qui lui a valu, dans un premier temps, deux mois de prison ferme pour coups et blessures contre un voisin. Il a été arrêté pour une seconde affaire d'échanges de coups et blessures et écopé d'un mois de prison avec sursis. La troisième fois, la victime était l'une des personnes les plus proches de lui, celle qui a veillé seule sur lui après la mort de son père, celle qui a pris soin de lui jusqu'à ce qu'il devienne adulte : sa propre mère. Cette dernière n'a pas échappé, elle non plus, à sa violence et a déposé plainte contre lui. Seulement, elle a fini par se désister devant le tribunal qui a, en conséquence, acquitté le fils indigne, coupable de violence contre ascendant. Si ces trois fois, il avait comparu pour des délits qui ne méritent que des châtiments de quelques mois de prison soit ferme soit avec sursis, lors de cette dernière l'accusation est très lourde. Son châtiment est passible de la peine capitale. «Vous êtes accusé d'homicide volontaire avec guet-apens et préméditation », lui rappelle le président de la cour. Bouchaïb le fixe du regard, comme s'il ne savait quoi dire. Le président de la cour lui rappelle une fois encore l'accusation et commence à lui rappeler les faits de son crime consignés dans le procès-verbal. Quelle est son histoire ? Quelle est sa victime ? Et pourquoi l'a-t-il liquidé ? Flash-back. Bouchaïb tombe amoureux de Khadija. Il lui a exprimé son amour à maintes reprises au point qu'il l'a demandée en mariage. «Je ne peux pas te donner de réponse maintenant», lui affirme le père qui lui a demandé de patienter un certain temps sans lui fixer de date précise. Les semaines se sont succédé sans que le père lui réponde. Bouchaïb s'est adressé à lui pour lui rappeler son intention d'épouser Khadija. Le père lui a demandé une fois encore de patienter. D'une semaine à l'autre, quelqu'un est arrivé chez Bouchaïb pour lui annoncer la mauvaise nouvelle : «Khadija va se marier avec Mohamed». Pourquoi pas lui ? Qu'est-ce qu'il a comme défaut ? N'est-il pas lui aussi un homme qui gagne sa vie honnêtement ? La prison ? Il n'y était pas pour vol ou escroquerie. Il y était seulement pour des affaires banales de prises de bec. Bouchaïb, qui n'a pas pu avaler cette couleuvre, s'est adressé au père de Khadija, lui a reproché de ne lui avoir pas répondu comme il le lui avait promis et qu'il lui a tourné le dos en acceptant de marier sa fille à un autre jeune du douar. « Ce n'est pas nous qui décidons, mais bel et bien le destin », lui répond le père de Khadija comme pour mettre fin à une discussion stérile. Et il l'a même invité au mariage de sa fille. Ne concevant pas d'être écarté de pareille manière, il a décidé de chercher qui était derrière la décision du père de Khadija. «C'est Bouâzzaoui», lui chuchote l'un de ses voisins au douar. Depuis, il nourrit une rancune mortelle à l'égard de Bouâzzaoui, qu'il enterrerait bien vivant. « Notre rendez-vous sera la nuit de noces de Khadija », se dit-il. Lors de cette nuit, Bouchaïb ne quittait pas Bouâzzaoui des yeux. Tout le monde l'a remarqué. Une fois que ce dernier s'est isolé dans un champ pour se soulager, Bouchaïb l'a suivi et lui a asséné un coup de couteau. Bouâzzaoui a lancé un cri strident, attirant l'attention des invités qui chantaient et dansaient. Ils sont sortis des tentes caïdales dressées à cette occasion et se sont dirigés directement en direction de la voix de Bouâzzaoui. Là, ils l'ont trouvé le corps criblé de coups de couteau, gisant dans une mare de sang. « Qui t'a fait cela ? ». Bouchaïb, balbutie-t-il. Ils ont commencé à chercher partout ce dernier. Mais en vain. En se tournant vers Bouâzzaoui, ils ont remarqué que celui-ci avait rendu l'âme. Alertés, les gendarmes ont arrêté l'auteur du crime le lendemain matin. Jugé coupable pour les accusations qui lui ont été attribuées, Bouchaïb a été condamné à la perpétuelle.