Un affairiste belge, un industriel français et une impressionnante chaîne de complicités locales et internationales étaient les héros d'une saga extraordinaire qui s'est déroulée à Marrakech, mêlant affaires, argent et règlements de comptes. Enquête. C'est l'épopée d'un brillant entrepreneur belge qui avait jeté son dévolu sur Marrakech il y a bientôt trois ans. Après une longue carrière dans les médias et la communication en Belgique, Marc Weidemann quitte son pays natal et décide de se lancer dans les affaires au Maroc. Plus précisément, dans le secteur des médias et la communication, son créneau de prédilection. Il sort «Marrakech & City», journal local en format tabloïd, mais sans numéro de dépôt légal. Après plusieurs mois, Marc Weidemann bénéficie miraculeusement d'un décret du Premier ministre. Un privilège jusque-là rarement accordé à un patron de presse étranger au Maroc. En octobre 2003, le premier numéro de «Marrakech & City» Magazine est dans les kiosques. Le titre est sur tous les fronts : il fait dans la promotion du tourisme local, dénonce la corruption administrative, et organise même le premier Prix littéraire de la ville de Marrakech. Le nouveau patron de presse enchaîne les sorties médiatiques et officielles, passe à la télé pour expliquer le concept et le bien-fondé de sa démarche. Les échos sont plus que favorables. Plusieurs titres de la place saluent un «nouveau média qui démontre de bout en bout une identité profondément marrakchie et son attachement à l'évolution de la cité ocre et à l'éclairage nouveau de ses ambitions». La belle affaire. Dynamique et ambitieux, Marc Weidemann voyait grand. Il a cherché à distribuer son journal sur le marché français. «Marrakech & City» devient ainsi la référence médiatique incontournable de la cité ocre. Après de longues négociations avec les NMPP, société commerciale de messageries de presse de Paris qui assure les opérations de distribution en France, le magazine obtient l'agrément de sa distribution dans plus de trois mille points de vente en France. Et cerise sur le gâteau, Royal Air Maroc donne son accord de principe pour distribuer le magazine sur ses vols, en première et business class. Visiblement, l'affaire tourne bien. Très bien même. Simultanément, Marc Weidemann connaît une nouvelle consécration. Toujours fin 2003, Albert II, Roi des Belges, le nomme «Conseiller du Commerce extérieur de Belgique». Ce titre est octroyé aux personnes susceptibles de contribuer au développement des relations économiques et commerciales de la Belgique avec l'étranger. Weidemann est content de cette nouvelle marque de confiance, et il ne le cache pas : «La notion de conseiller reste modeste dans mon esprit. Si c'est un grand honneur, c'est aussi une lourde responsabilité que j'assumerai de mon mieux. Je n'oublie pas que son excellence Mme l'ambassadeur de S.M. le Roi des Belges, m'a fait confiance et qu'il me faudra la mériter constamment», avait-il confié au cours de la cérémonie de sa nomination qui s'est déroulée à Marrakech. Outre l'ambassadeur de Belgique, une brochette de hautes personnalités ont été présentes lors de cette cérémonie dont Omar Jazouli, maire de Marrakech, Mohamed Hassad, wali de la ville, le consul général de France, le consul d'Italie et le consul du Royaume-Uni. Avec autant de privilèges et d'honneur aussi bien au Maroc que dans son pays, Marc Weidemann peut légitimement envisager un avenir radieux. Des affaires florissantes, aussi. Car, outre ces succès, Weidemann est d'abord le président d'un événement qui avait fait beaucoup de bruit à l'époque : la Nuit de la Mode de Marrakech. Derrière cette manifestation, on retrouve International City Events, une jeune agence d'événementiel située à Marrakech, Fashionact, un magazine de mode belge sur Internet (et dont le patron n'est autre que Weidemann lui-même) et enfin, le comité d'organisation de Miss Belgique francophone. Une soirée grandiose a été organisée, le 7 mars 2003 à Marrakech, durant laquelle 20 finalistes de Miss Belgique francophone ont défilé sous l'œil bienveillant du célèbre couturier-parfumeur, feu Loris Azzaro, président d'honneur de la soirée. Parmi les invités de marque, on retrouve, entre autres, Cristina Funes Noppen, ambassadeur de Belgique, qui a tenu à faire un discours pour l'occasion. Et comme tout évènement qui se respecte, de nombreux sponsors se sont bousculés pour parrainer l'événement : la RAM, le Conseil régional du Tourisme de Marrakech, l'Office national marocain du Tourisme et plusieurs autres grandes entreprises. Le coût de participation était particulièrement compétitif : 50.000 DH pour les sponsors, et 5.000 DH pour les partenaires. Mais, la soirée était surtout une grande première en matière de «bienfaisance active». Au fait, les revenus, ainsi que la somme considérable d'argent (jamais communiqués) qui a été collectée lors de cette soirée de gala devaient êtres versés à un fonds pour la création d'un « Centre de Promotion des Créateurs de Mode au Maroc ». Médiatisé à outrance, ce centre devrait voir le jour deux mois plu tard, à Marrakech précisément. Ses missions étaient multiples : outre la formation aux divers métiers de mode, le centre devait également offrir une bourse annuelle permettant aux jeunes créateurs d'effectuer des stages de formation auprès de grands designers internationaux et même de participer à de grands défilés tenus à l'étranger… Capitalisant sur le « succès » de l'édition du mois de mars, une deuxième édition a été programmée pour le 7 octobre de la même année, soit au moment même du lancement officiel du magazine M & C. Toujours avec des ambitions démesurées. La cérémonie d'ouverture de cette deuxième édition devait voir défiler, en avant-première, la collection printemps-été 2004 du couturier québécois Yves Jean Lacasse, considéré comme l'une des valeurs sûres de la couture internationale. Ajourné, l'événement a été reprogrammée pour le 21 août 2004. Cette fois-ci, il s'inscrivait dans le cadre de l'Année de la Belgique au Maroc 2004. Début août 2004, et lors d'une énième conférence de presse organisée par le talentueux Weidemann, avec, encore une fois,Cristina Funes Nopen, celle-ci a tenu à rappeler à l'assistance que «le choix de la date du 21 Août se veut symbolique pour souligner l'excellence de nos relations (celle du Maroc et de la Belgique NDLR) certes, mais également notre admiration pour l'action de SM le Roi ». Sauf que cette seconde édition n'aura jamais eu lieu. Pas plus que le fameux centre de formation de la mode qui n'a jamais vu le jour. Et surtout, plus aucune trace de l'argent collecté lors de la première soirée. Que ce qui s'est-il passé entre-temps ? À cette époque, les soucis ont brusquement surgi du côté du journal de Marc Weideman, «Marrakech & City». À commencer par les problèmes de gestion d'un certain Patrick Niclot. Ce dernier était en fait le correspondant permanent de Fashionact au Maroc et occupait en même temps des fonctions de gestion au sein du journal de Weidemann. Ce dernier a découvert que son correspondant était en faillite en France et avait détourné pendant six mois des sommes des comptes de l'entreprise. En crise, Weidemann est contacté par un nouveau financier, prêt à signer un chèque pour participer au capital du magazine. Patrick Niclot démissionne, laissant place au nouveau partenaire, un certain Guy Moraux. C'est le début d'un incroyable feuilleton qui va secouer des mois durant le microcosme médiatique et économique de la ville de Marrakech. Le nouvel arrivant acquiert 50% des parts sociales de l'entreprise éditrice du magazine et prend le titre de co-gérant. Rapidement, ce dernier prend de l'ascendant sur son partenaire Belge. Il prend en main le personnel, du secrétariat à la rédaction. À Marrakech, Moraux a pu s'associer à plusieurs hommes d'affaires et mène grand train. Mais rien ne va plus entre les deux associés. Weidemann découvre subitement ce qu'il croit être l'autre visage de son nouvel associé. Il accuse Guy Moraux de traîner derrière lui des dizaines de liquidations judiciaires en France, un mandat d'arrêt qui l'attend à la frontière de son propre pays… Comment Weidemann a-il accepté cette union, sans prendre le soin de vérifier l'identité de son associé ? Mystère. Ce qui est sûr, c'est qu'un long bras de fer oppose désormais les deux partenaires, avec comme enjeu le jeune magazine marrakechi. Le directeur de «M&C» affiche son désaccord sur la nouvelle politique rédactionnelle que son associé essaye d'imposer et voit dans ses agissements la main de ceux qui cherchent à se servir de son journal comme « instrument de promotion d'un groupe pluridisciplinaire d'affaires, composé d'importants responsables marocains». Fatigué (si vite), Weidemann cherche à se retirer (de son propre journal !) et offre à Moraux de lui racheter ses parts. Déjà tendus, les rapports s'enveniment davantage entre les deux hommes. Le Belge accuse le Français de lui adresser des menaces et de vouloir saboter le journal ! Entre temps, «Marrakech & City» bat de l'aile. Pour débloquer l'argent, il faut deux signatures. Mais un des co-gérants est constamment absent. Résultat : il n'y a plus de quoi payer le personnel ni les fournisseurs. La guerre entre les deux protagonistes prend une tournure ahurissante lorsque plusieurs journaux nationaux publient une étrange «déclaration sur l'honneur», présumée signée et légalisée par Weidemann, dans laquelle ce dernier s'engage à obtenir le statut de journaliste marocain à son associé et a effectué des démarches qui s'apparentent plus à de la fraude fiscale. Weidemann réplique violemment dans le numéro 9 (et le dernier) de «Marrakech & City» et publie un long article intitulé «Guy Moraux…Prédateur», dans lequel il s'attaque violemment à son associé. Ce dernier porte l'affaire devant la justice. Le verdict tombe comme un couperet : Weidemann écope de trois mois de prison avec sursis et 10.000 dirhams d'amende pour calomnie. Une première au Maroc pour un journaliste étranger ! Immédiatement, ce dernier crie à la conspiration. Après avoir quitté définitivement le Maroc avec sa famille, pour se mettre, comme il l'affirme lui-même, à l'abri des « menaces et chantages dont il faisait l'objet », Weidemann publie, le 16 décembre 2004, un communiqué incendiaire dans lequel il dénonce « un système corrompu, à la botte d'un escroc français…». Il accuse ouvertement son ex-associé, Guy Moraux et son mystérieux groupe d'avoir corrompu le Tribunal. Comment le premier directeur de publication étranger d'un journal marocain est-il tombé d'aussi haut et aussi vite ? Après avoir reçu tous les honneurs, Marc se retourne contre tout le monde. Dans le même document qu'il a publié sur le Net, il pointe de doigt plusieurs personnalités locales avec qui il a eu à traiter. Le règlement de comptes continue. Entre qui au juste ? Difficile de répondre, d'autant plus que ceux qui ont approché de près l'affaire entretiennent un silence pour le moins troublant. L'affaire en reste là. «Marrakech & City» a cessé de paraître. Lesfournisseurs et le personnel se retrouvent devant le fait accompli. Depuis, silence radio. Une question revient encore une fois : comment un étranger a pu obtenir le titre de directeur de publication d'un journal édité au Maroc, alors que la loi l'interdit formellement? Comment expliquer une telle dérogation de la part des autorités pour une personne (aussi estimable qu'elle soit) une année seulement après son arrivée au Maroc ? Le plus curieux c'est que même les qualités réelles ou supposées de son apparent statut diplomatique en tant que conseiller du Commerce extérieur de Belgique sont aujourd'hui remises en question. Des sources diplomatiques belges ont précisé que Marc Weidemann n'avait aucun lien hiérarchique avec l'ambassade. Ses activités n'engagent en rien l'ambassade de Belgique, du moins sur le plan juridique. Reste que le texte de loi belge régissant cette activité stipule que «les conseillers du Commerce extérieur sont nommés par arrêté royal sur proposition du ministre des Affaires étrangères et du ministre qui a le Commerce extérieur dans ses attributions.» D'autant que Weidman a déclaré plusieurs fois dans les colonnes de journaux qu'il était le représentant d'un souverain étranger. Cependant, et même s'il a bénéficié d'une nomination officielle de la part de plusieurs hautes autorités de son pays, cette qualité n'engage en rien sa représentation diplomatique ! Aujourd'hui, Weidemann souhaite que justice lui soit rendue. En attendant, il propose de vendre le titre " Marrakechcity", son autorisation de publication au Maroc et a l'étranger, ainsi que le nom de domaine www.marrakechcity.com http://www.marrakechcity.com . Opportunité à saisir.