A la veille d'une élection décisive, l'ambiance est surchauffée en Mauritanie. Le président sortant, Maaouya Ould Sidi Ahmed Taya et son prédécesseur, Mohamed Khouna Ould Haidalla, ont la faveur des pronostics. C'est dans une guerre d'interprétations et de contre-interprétations entre le camp des deux colonels candidats, Maaouya Ould Sidi Ahmed Taya et son rival, Mohamed Khouna Ould Haidalla, tous deux à la tête des pronostics, que les Mauritaniens s'apprêtent aujourd'hui à vivre l'un des scrutins les plus décisifs de leur jeune démocratie. La campagne électorale qui s'est déroulée généralement dans un bon esprit a été entaché à trois jours du scrutin par la perquisition du domicile de Ahmed Khouna Ould Haidalla, ancien président destitué par l'actuel à la faveur d'une révolution de palais en 1984. L'incident est révélateur du climat tendu et surtout de l'enjeu du scrutin. Pour les partisans de Ould Haidalla, il s'agit bien de manœuvres d'intimidation visant à destabiliser un candidat sérieux. Accusations réfutées par le camp de Ould Taya qui brandit plutôt le spectre d'une tentative de putch qui se prépare dans l'entourage de Haidalla. Des armes seraient découvertes durant la perquisition Réplique automatique du porte-parole du candidat Ould Haidalla, rompu à l'exercice des joutes orales : « la seule arme de terreur qui sera utilisée sera celle de la carte électorale». C'est dire l'ambiance à Nouakchott où les derniers meeting de Ould Haidalla ont été particulièrement vifs. Le rétablissement des valeurs morales et réligieuses est impératif pour Ould Haidallah. A ses yeux, si rien n'est fait, la société mauritanienne court tout droit à la catastrophe. Un discours qui ne rassure pas toujours, y compris dans les rangs des militants. Le fait qu'en août dernier, une quarantaine d'islamistes présumés, accusés notamment de "complot contre l'ordre constitutionnel", aient annoncé leur soutien à Ould Haidalla, dérange les partisans d'une grande ouverture au modernisme. Au-delà du fait que les organisations de bienfaisance islamiques seront rouvertes, tout comme les centres de prêche et d'éducation islamique, récemment fermés par les autorités, quelle est la portée de l'accord co-signé par le candidat à l'élection présidentielle et le chef de file des islamistes présumés, Mohamed Hacen Ould Dedew , s'interroge un observateur de la vie politique? Chez les autres candidats, le thème favori des derniers jours de campagne a été aussi la transparence et les risques de fraude. Aussi bien chez Ould Dadah du RFD que Messoud Ould Boukheir de l'AP, le débat de ces derniers jours est parti rarement plus loin que la critique des 19 ans de pouvoir de Ould Taya et les interrogations sur la transparence. La police a d'ailleurs dispersé une marche de militants de l'opposition qui, avant même le scrutin, dénonçait la fraude. Ce qui a obligé le directeur des Affaires politiques et des libertés publiques au ministère de l'Intérieur, à sortir de son silence. «Les registres des listes électorales ont été analysés au niveau du Centre national chargé du traitement de la liste électorale, pour s'assurer d'une part, de la conformité des informations sur chaque personne avec sa carte nationale d'identité et d'autre part, de l'inexistence de double inscription de la même personne dans aucun des bureaux de vote sur l'ensemble du territoire national». Des garanties certes, mais qui ne rassurent pas toute l'opposition.Lors des élections de 1992, le décompte a duré plus de 72 heures. L'annonce des résultats à Nouakchott s'étaite faite en même temps que le déploiement des blindés devant les bâtiments officiels et les endroits stratégiques de la capitale. Des manifestations musclées avaient eu lieu à Nouadhibou, capitale économique du pays. Tout cela appartient au passé, selon le discours de l'autorité qui supervise le scrutin. L'introduction de la carte d'identité, «infalsifiable», rend impossible certaines pratiques. Bref, on saura à l'issue de ce scrutin si toutes ces mesures ont été payantes. Pourvu, que les six candidats en lice acceptent le verdict des urnes et que le fair-play l'emporte sur des considérations partisanes ou tribales.