A son démarrage, le Ramed visait à briser les disparités liées à l'accès aux services de santé pour une large partie de la population en particulier les démunis et les plus vulnérables. Loin d'être parfait, le Ramed souffre de plusieurs défaillances. Pourtant, tout était bien parti pour ce système qui était destiné, à la base, à rendre plus accessibles les soins de santé aux plus démunis. Après plus de cinq ans de sa généralisation, il ne remplit visiblement donc pas sa mission initiale. Faute de moyens et de visibilité, ce système est-il voué à l'échec ? Dans son discours de la Fête du Trône SM le Roi Mohammed VI a souligné qu'il faut «redresser les anomalies qui entachent l'exécution du Programme de couverture médicale «Ramed», et, parallèlement, refondre en profondeur le système national de santé, qui se caractérise par des inégalités criantes et une faible gestion». Cinq ans plus tôt ... A son démarrage, le Ramed visait à briser les disparités liées à l'accès aux services de santé pour une large partie de la population en particulier les démunis et les plus vulnérables. «Pour donner un chiffre approximatif, il visait un peu près de 10 à 13 millions de citoyens marocains en situation soit de pauvreté, soit de précarité. Le coût financier du programme avait été estimé à 5 milliards de dirhams par an pour réduire justement cette barrière financière en particulier pour tout ce qui est frais des médicaments et de dispositifs médicaux pour cette franche de la population», explique Abbès El Mesnaoui, membre du conseil de l'Observatoire national du développement humain (ONDH). L'objectif de ce régime était de rompre avec les pratiques antérieures, notamment le certificat d'indigence. «Pour la première fois au niveau national, un programme basé sur un ciblage individuel a été mis en place. L'idée étant de fournir un panier très large de soin pour les personnes démunies, sur la base d'une carte qui permet une couverture de trois ans avec la contribution des communes et de l'Etat», indique-t-il. Un système défaillant : A qui la faute ? Pas plus tard qu'en juillet, l'ONDH a révélé dans son dernier rapport que le Ramed comportait plusieurs failles. Parmi celles-ci, il s'avère que 80% des ramédistes passant par les hôpitaux ont effectué des paiements directs, alors que le Régime d'assistance médicale est en principe un service gratuit. En 2015, les affiliés pauvres du Ramed ont payé 580 dirhams et les plus vulnérables 900 dirhams. Plus révélateur, le taux d'affiliation n'est que de 33%. L'enquête qui couvre la période de 2012 à 2015 a également dévoilé que parmi les 10% de la population vulnérable bénéficiant des services du Ramed, 24% ne sont pas éligibles. Pour Abbès El Mesnaoui, tout porte à croire qu' il y a des erreurs d'inclusion et des erreurs d'exclusion dans le ciblage de ce régime. «Parmi les explications c'est que ces citoyens qui sont dans un cas de pauvreté extrême n'étaient même pas au courant de l'existence de ce régime, ils n'avaient pas donc la possibilité d'introduire les formulaires de demandes d'adhésion. La 2ème explication réside dans le fait qu'il existe des erreurs d'inclusion dans le sens que les personnes qui n'étaient pas en situation de précarité ni de pauvreté ont pu bénéficier de la couverture Ramed. S'agissant du 3ème point, on a pu constater une évolution en termes du nombre de bénéficiaires qui a atteint les 10 millions d'affiliés en 2014, suivie d'une baisse du nombre de bénéficiaires. Ceci est dû au non renouvellement des cartes Ramed après les 3 ans de leur expiration», explique le membre de l'ONDH. Perception négative, non satisfaction des bénéficiaires ou problème d'information au sujet de la nécessité de renouveler les cartes après 3 ans. Ceci étant, aucune piste ne révèle les raisons exactes du non renouvèlement des cartes par certains de ces affiliés. Les moyens ne suivent pas ! A l'échelle nationale, la demande de soin est en augmentation accompagnée d'un stress de toutes les structures d'offre de soins sans parler du manque de ressources financières, humaines et logistiques au niveau des établissements de soins. Celles-ci n'avaient également pas été remises à niveau, et le système d'information ne permet pas de suivre ce régime, selon l'expert. Ceci a eu pour conséquence la dégradation de la qualité des soins avec des pénuries et des files d'attente. Pour répondre à la demande générée par la généralisation du Ramed, les établissements hospitaliers font appel à leur budget de fonctionnement ou d'investissement. Pour le membre de l'ONDH, la mobilisation des budgets annuels destinés au Ramed n'a jamais atteint les objectifs fixés au départ, à savoir 5 milliards de dirhams. «Il y a un énorme problème de gouvernance dans ce système. Il n'y a pas d'organisme qui gouverne le Ramed. Cette entité pourrait gérer les fonds, les adapter aux besoins de la population. De même, il faut établir un système de tarification et des modalités de recouvrement de telle sorte que les structures hospitalières seraient considérées notamment comme des prestataires de services avec des services qui sont payés par cet organe gestionnaire», explique le membre de l'ONDH. Comment sortir du tunnel ? Pour pallier à ces dysfonctionnements, l'ONDH préconise de sécuriser le financement du Ramed. Abbès Mesnaoui explique qu'il faut dans ce sens une loi qui définit ses sources de financement et qui précise «comment dépenser cet argent. Ce texte de loi doit mettre en place tous les éléments nécessaires à la caisse ou à l'organe de gestion du Ramed». Autres recommandations émises, celles d'établir des taxes pour alimenter le fonds destiné au Ramed. Ces taxes vont porter sur des produits de consommation qui nuisent à la santé, comme le tabac ou l'alcool par exemple. Quant à l'organe de gestion du Ramed, il est suggéré qu'il soit rattaché à l'un des programmes de gestion de couverture sociale, en l'occurrence la CNOPS ou la CNSS. Pour l'expert, il faut remettre à niveau les structures de soins en adoptant une approche territorialisée et participative avec des programmes et des visions adaptés à chaque région. «La région devrait intervenir et adapter l'offre de soins aux diversités régionales», précise-t-il. Par ailleurs, le membre de l'ONDH explique qu'il faut profiter des évolutions technologiques dans le domaine de la santé en particulier la télémédecine. De plus, il n'écarte pas le recours au partenariat public-privé, sans vider le service public de son essence, et permettant au Ramed d'être solvable financièrement. Enfin, «il faut mettre en place un système d'information au niveau de ces hôpitaux qui permettra d'alléger la partie gestion administrative. Ce système permettra aussi d'assurer une traçabilité et des évaluations internes périodiques», précise l'expert. Les critères de ciblage doivent être revus ! Les critères de ciblage sont à revoir. C'est en tout cas ce que propose le membre de l'ONDH. «Il y a des erreurs d'inclusion et d'exclusion et nous pensons qu'il faut absolument aller vers des éléments de «scoring» et de ciblage actif et non déclaratif», souligne-t-il. Pour y parvenir, une identification de tous les pauvres et les vulnérables des communes est nécessaire. Un registre national unique permettra à tous les programmes d'assistance sociale de s'y référer. Pour ce qui est des paniers de soins, l'expert explique : «Il faut absolument aller vers des paniers bien réfléchis qui tiennent compte des fonds disponibles et des niveaux de privation des citoyens».