Treize personnes sont d'ores et déjà soumises aux interrogatoires des enquêteurs pour éclairer les circonstances et la destination du vol d'armes perpétré par le jeune soldat, Youssef Amani. Les investigations s'intéressent particulièrement aux liens des mis en cause avec les milieux islamistes extrémistes. Où est la limite entre les convictions personnelles et l'obligation de réserve et de neutralité dans l'armée ? Les différents services de sécurité du pays sont à pied d'œuvre. Une mobilisation intense pour une situation jugée très grave. Et pour cause… Loin d'être un simple fait divers, l'affaire du vol d'armes à la caserne de Taza représente une alerte sérieuse. D'autant plus que les fusils-mitrailleurs et les munitions étaient destinés à un groupuscule extrémiste installé à Casablanca. Cet arsenal n'a pas été convoyé vers sa destination finale grâce à la vigilance de l'armée et de la gendarmerie. L'auteur de cet acte dangereux n'a pas pu aller plus loin. Le deuxième classe Youssef Amani, 22 ans, sera arrêté à Meknès jeudi dernier alors qu'il se dirigeait vers le domicile de sa famille pour y cacher certainement la “marchandise“. Un soldat ne peut pas tout seul détourner les armes de sa caserne. Pour cela, il a besoin des complicités de ses supérieurs. L'interrogatoire de l'intéressé a permis de connaître un des complices, le sergent Hamid Slim, 24 ans, arrêté à son tour. Les autres militaires de la caserne, une douzaine, furent eux aussi, interrogés pour déterminer le degré des connivences. Soupçonnés d'entretenir des accointances avec les milieux islamistes et même d'en être des militants actifs, les deux accusés ont un autre point commun : leur âge. Ils sont jeunes. Cette tranche d'âge a toujours été la cible de sergents-recruteurs des organisations extrémistes. Ces dernières exploitent souvent le mal-être et le dénuement de cette catégorie vulnérable pour arriver à leurs fins. Une question est sur toutes les lèvres : notre armée est–elle traversée par la lame de fond islamiste ? Une chose est sûre : cette mouvance, en action au Maroc ou ailleurs, cherche à s'engouffrer dans n'importe quelle brèche, y compris les appareils sécuritaires d'un État. Seule réponse à sa stratégie de conquête de la société, s'immuniser définitivement contre le mal sur lequel prospèrent les extrémismes. Il semblerait que les armes volées étaient donc destinées à un groupe intégriste de Casablanca. Le plus en vue s'appelle Assirat Al Moustakim et tire son idéologie obscurantiste de la Salfia Jiahdia qui prône la violence. D'ailleurs, les membres de ce groupuscule, dirigé par Zakaria Miloudi qui croupit en prison, sont déjà passés à l'action en assassinant des citoyens innocents : lapidation d'un jeune dealer à Sidi Moumen, enlèvement et liquidation d'un clerc de notaire et assassinat d'un gardien de la paix, Saïd Roussaïne. Pour un mouvement qui utilise d'habitude l'arme blanche (sabre et couteau) pour blesser ou tuer ses cibles, le fait de vouloir se procurer aujourd'hui des armes à feu renseigne sur l'évolution de sa stratégie : passer à la vitesse supérieure en perpétrant des agressions spectaculaires. Les armes à feu, plus que l'arme blanche, frappent les imaginations et intensifient le sentiment de terreur. Imaginons l'impact sur la population d'un meurtre commis à l'aide d'un fusil- mitrailleur dans un pays qui a toujours réussi à se prémunir contre l'usage des armes à feu qui sont du reste interdits ? Les groupuscules de la Salafia Jihadia, qui sont implantés un peu partout à travers le Maroc, sont connus pour leur hostilité à l'égard des institutions du pays. Avec comme seule référence Oussama Ben Laden, cette mouvance s'est fixé comme objectif de s'attaquer aux symboles de l'État, notamment les gradés des services de sécurité et le corps des juges et des magistrats.