L'Espagne a annoncé le retrait du personnel de son ambassade à Bagdad, emboîtant le pas à l'ONU, à un moment où les attentats contre la coalition atteignent des proportions inquiétantes, marqués notamment par la liquidation physique des Irakiens qui collaborent avec les occupants. Le gouvernement Aznar, allié inconditionnel des Etats-Unis dans la guerre d'Irak et qui y est présent militairement, reconnaît la dégradation sérieuse de la sécurité sur le terrain en décidant le retrait de l'essentiel de son personnel diplomatique de son ambassade à Bagdad. Madrid agit à l'instar des Nations Unies qui viennent d'annoncer que le retrait de son personnel international basé à Bagdad était achevé. «La situation de mal en pis, à l'évidence, surtout la semaine dernière, a été très dure et on a donc décidé de réduire au minimum la présence civile espagnole», a déclaré un porte-parole du ministère espagnol des Affaires étrangères. Le Premier ministre, Jasé-Maria Aznar a confirmé que Madrid «avait rappelé les personnes qui collaborent avec l'autorité provisoire de la coalition en Irak, les experts et une partie du personnel de l'ambassade». L'annonce de ce sauve-qui-peut intervient alors que l'escalade se poursuit sur le terrain où quatre morts, deux Irakiens, un soldat américain et un britannique, sont venus s'ajouter à la liste des tués en Irak. Les Irakiens travaillant avec les forces de la coalition sont la cible d'une campagne de liquidations. La peur s'est emparée de beaucoup d'entre eux face à une violence aveugle qui touche aussi bien les membres du Conseil de gouvernement transitoire, les forces de police, que des fonctionnaires et des juges. Cent quarante soldats américains ont trouvé à ce jour la mort dans des opérations de guérilla en Irak depuis le 1er mai, date officielle de la fin de la guerre. La liste des blessés s'allonge aussi. Quatre personnes l'ont été mardi soir dans la deuxième attaque perpétrée en l'espace de 24 heures contre le cœur de l'administration américaine en Irak, a annoncé un porte-parole du Pentagone à Washington. «Les détonations ont eu lieu devant le complexe de l'Autorité provisoire de la coalition, dirigée par l'Américain Paul Bremer», a déclaré le porte-parole qui a ajouté, « on ne sait toujours pas d'où ces attaques ont été lancées mais, nous pensons qu'il s'agit vraisemblablement de mortiers ou peut-être de roquettes ». Des obus avaient déjà été tirés dans le centre de Bagdad à proximité de ce même QG installé dans un ancien palais présidentiel de Saddam Hussein. Des témoins rapportent que des scènes de panique ont été observées à l'intérieur du complexe. L'armée a fait savoir qu'un soldat de la première division blindée avait trouvé la mort et deux autres blessés dans la matinée dans l'explosion d'une bombe au passage de leur véhicule à Bagdad. Au même moment, le ministère britannique de la Défense annonçait le décès quelque part en Irak d'un caporal de 31 ans des « Royal marines », ce qui porte à 52 le nombre des pertes humaines britanniques en Irak depuis le début de l'invasion. Cette recrudescence des attaques risque de s'accentuer, compte tenu du nombre grandissant des volontaires qui affluent en Irak pour combattre la coalition. La nouveauté est que ce pays attire bien des combattants venus d'Europe. Il ne s'agit pas de militants aguerris d'Al-Qaïda. Ils n'ont pas séjourné en Afghanistan. Et, on ne leur connaît aucun contact avec des groupes terroristes connus. Leur surveillance et leur infiltration sont d'ailleurs extrêmement difficiles. L'Irak est en train de devenir la terre promise pour de jeunes musulmans européens qui veulent faire leurs armes en s'attaquant aux forces de la coalition pour défendre un pays musulman. « Depuis la fin de la guerre, il existe un flux important de personnes motivées par le Jihad, entre l'Allemagne et le reste de l'Europe et l'Irak », estime un responsable allemand de la Sécurité. Selon ce responsable, le nombre de militants qui ont déjà quitté l'Europe pour gagner l'Irak n'est pas négligeable. Pour le juge antiterroriste français Jean-Louis Brugière, « il faut être très attentif sur la capacité de l'Irak à devenir à terme attractif pour cette mouvance islamiste qui pourrait être tentée de rejoindre une terre où il y a des affrontements entre Musulmans et non-musulmans ». Les militants qui quittent l'Europe pour rejoindre l'Irak semblent être jeunes musulmans sans formation militaire qui ont pris la décision spontanée de rejoindre la résistance à l'occupation étrangère, précise un responsable des services de renseignements occidentaux : « il semble que ce soit de petits groupes. Souvent, ils ne sont même pas identifiable en tant que groupes. Ils ne paraissent même pas dans les dossiers ».