Il est connu à travers le vaste monde que toutes les périodes de transition vers la démocratie sécrètent des formes perverses et dévoyées de l'action dite «politique». Une forme de chahut s'installe, parasitant les aspirations à la démocratie, au progrès et à la consolidation des droits de l'Homme et de l'Etat de droit. Il est connu à travers le vaste monde que toutes les périodes de transition vers la démocratie sécrètent des formes perverses et dévoyées de l'action dite «politique». Une forme de chahut s'installe, parasitant les aspirations à la démocratie, au progrès et à la consolidation des droits de l'Homme et de l'Etat de droit. On peut, à l'évidence, mettre cela sur le compte d'un quelconque apprentissage, mais quand les dérapages deviennent obstinés, systématiques et surtout organisés, cela porte un nom : le nihilisme. Une action volontairement négative dont la légitimité suprême est la négation, elle-même. Elle touche, dans un spectre infini, tout ce qui existe ou tout ce qui peut advenir. Dans notre pays, nous ne sommes pas encore sortis de ces zones de turbulences nihilistes. Et probablement que nous mettrons plus de temps à nous en sortir que d'autres. Les raisons de cette sombre spécificité, il faut aller les chercher, sommairement, dans l'indigence de la classe politique, l'opportunisme d'une société civile adossée à une certaine bourgeoisie non-productive et au patriotisme lâche, la faiblesse et le silence de l'élite intellectuelle, l'incapacité des médias à accompagner sérieusement le changement et l'absence de confiance de l'opinion publique, non encadrée, dans ce processus de transition. Bref, la situation n'est pas brillante. Seule la presse, dans cette conjoncture difficile, tient le haut du pavé, quand elle ne se vautre pas tout simplement dans le caniveau. Sous l'empire du commentaire frénétique et du «brisage» professionnel de tabous creux, la presse trace son chemin. Elle ne sait plus où elle va ni d'où elle vient, mais peu importe, elle avance. Sauf qu'aujourd'hui l'image du journaliste marocain est brouillée, dégradée ou, carrément, salie. Bien sûr, ni plus ni moins que l'image des autres métiers ou professions dans notre pays, mais quand même. Une presse se chargeant seule, dans la confusion et le désordre absolus, de la transition est un phénomène qui n'est pas sain, car il ne comble pas, sérieusement, le travail nécessaire des autres protagonistes ni, face à la démission généralisée, ne remplace avec crédibilité le vrai débat qui doit accompagner le changement. Alors, on bavarde. Et, au bout du compte, nous sortirons tous, autant que nous sommes, laminés par ce processus dont nous assumons, aujourd'hui, collectivement les dérapages, les excès et les conséquences désastreuses de certains dévoiements. Dans certains pays, un peu de corporatisme mâtiné d'un soupçon de ce que peut être l'intérêt général a suffi à faire passer à la presse les caps les plus difficiles. Chez nous à ce jour nous sommes incapables d'un sursaut de cette nature tellement nous ne sommes d'accord sur rien. Ni sur comment être journaliste, ni sur comment être Marocain, ni sur les valeurs que nous défendons, ni sur un minimum patriotique vital, ni sur le bilan d'étape de la transition, ni sur le formidable chemin parcouru ces dernières années. Entre l'autisme professionnel et la surenchère nihiliste, nous sommes tétanisés par l'avenir… Alors que ce dernier a vraiment confiance en nous.