Tous ceux qui vivent dans un cadre insalubre se sentent fatalement touchés dans leur dignité. Une personne privée du droit à une habitation propre est privée aussi de nombreux droits humains. Enjeu parmi les enjeux du développement urbain, l'habitat social se trouve au cœur de la politique du gouvernement Jettou. Le Premier ministre a érigé cette question en priorité dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le 22 novembre dernier. Au Maroc dès que l'on évoque le logement social, on pense automatiquement au problème des bidonvilles et de l'habitat insalubre. Face hideuse de l'urbanisme à la marocaine, ce fléau continue, telle la chienlit, de miner nombre de villes du Royaume et de compromettre leur essor futur. Selon les chiffres officiels, près de 80.000 familles vivent dans un habitat insalubre et une famille sur 5 se trouve dans cette situation en milieu urbain. Tout en affichant sa volonté de combattre ce type de constructions de fortune, l'exécutif actuel, par la voix de son chef, a annoncé dans sa feuille de route “la production de 100.000 unités d'habitat social chaque année, soit sous forme de lots équipés pour l'habitat individuel et de logements finis ou semi-finis, soit à travers la restructuration des quartiers non organisés“. Vaste programme en effet, qui suppose l'adoption d'une nouvelle approche qui fait de l'État un véritable “facilitateur“ et un partenaire réel du développement urbain dans le cadre d'une politique volontariste et harmonieuse. Ce qui n'était pas le cas jusqu'ici, les pouvoirs publics, en général, ayant contribué soit par leur complicité soit par leur laxisme à la prolifération des bidonvilles. Et pour se donner bonne conscience, on a créé l'agence nationale de lutte contre l'habitat insalubre (ANHI) alors qu'il aurait fallu agir à la base en empêchant l'existence de telles verrues urbaines par la responsabilisation des élus locaux et des agents d'autorité. Aujourd'hui, à la faveur d'une prise de conscience générale du danger que ce mal représente non seulement pour le développement urbain mais aussi pour les grands équilibres sociaux, le gouvernement entend prendre le problème à bras le corps pour corriger les dysfonctionnements accumulés en matière d'habitat au cours des dernières décennies. Lors de son discours d'ouverture de la première année législative 2002, S.M. le Roi avait résumé la situation en une phrase : la dignité du citoyen n'est garantie que par son accès à un logement décent. Tous ceux qui vivent dans un cadre insalubre se sentent fatalement touchés dans leur dignité. Une personne privée du droit à une habitation propre et correcte est privée aussi de nombreux droits de l'Homme. C'est ainsi qu'on crée une catégorie de sous-population marginale et marginalisée, travaillée constamment par un sentiment d'injustice et mûe par une hargne silencieuse contre les gouvernants. D'ailleurs, le PJD a fait le trop-plein de voix particulièrement dans les quartiers périphériques où le mal-vivre le dispute au désespoir. Driss Jettou en est conscient, qui a tenu à rattacher, pour la première fois aux services de la primature le ministère délégué chargé du logement et de l'urbanisme. Un signe qui en dit long sur la volonté du Premier ministre de résorber le phénomène de l'habitat insalubre. Cette question primordiale représente à ses yeux le défi majeur de son mandat. Il s'agit d'abord pour le gouvernement de combler le déficit en logements en milieu urbain, estimé actuellement à quelque 750.000. Parallèlement à cette action, il s'agit de promouvoir un habitat social à des prix modiques qui soit accessible au grand nombre. Un logement standard (le prix du marché est actuellement de 200.000 DH), équipé du minimum vital pour une famille marocaine, peut-il être livré clés en main à moitié prix ? Une chose est sûre : une habitation à 100.000 DH peut constituer l'alternative aux habitations de fortune qui sont vendues par les réseaux informels de l'habitat insalubre à 50.000 DH ou un peu moins. Une série de mesures d'accompagnement sont nécessaires pour promouvoir une ambitieuse politique d'habitat social à des prix accessibles. Pour cela, il convient de mettre fin aux éléments qui contribuent au renchérissement des coûts, à savoir la spéculation foncière et la cherté des terrains, le taux élevé des taux de prêts logement. Le gouvernement a, en effet, les moyens de mobiliser l'assiette foncière publique et de la verser dans un fonds spécial logement social et de négocier aussi avec les banques un taux d'intérêt adapté à ce type de programmes. L'objectif étant de réussir des montages techniques et socio-économiques spécifiques et innovants pour l'intégration spatiale des populations qui en ont besoin. Avec ces deux conditions et pour peu que les pouvoirs publics s'engagent sérieusement sur ce dossier dans le cadre d'une vision intégrée et dynamique, il est possible de recaser, petit à petit, tous les habitants vivant dans les bidonvilles des grandes villes du pays.