Les collectivités locales sont appelées à combler rapidement le déficit dont elles souffrent en termes de représentativité, de compétence et d'implication dans les orientations économiques et sociales nationales. Ces cellules de base de la démocratie nécessitent, elles aussi, une véritable mise à niveau citoyenne et une plus grande implication dans les affaires de la cité. Pour l'heure, elles sont en faillite. Beaucoup de pain sur la planche et peu de temps pour préparer comme il se doit les prochaines échéances électorales. Les délais constitutionnels ne permettent point de perte de temps. Une fois les machines exécutive et législative mises en branle, le gouvernement passe à la pensée des futures élections communales. Une nouvelle donne, cependant. La décision royale d'abaisser l'âge électoral à 18 ans. Avec les aménagements textuels et pratiques qui s'en suivent. Au niveau des textes, les réaménagements toucheront d'abord le cadre juridique. Un projet de loi est déjà fin-prêt pour permettre la révision des listes de 1996 et le découpage électoral devra tenir compte de la nouvelle Charte communale. Le Code électoral devra aussi être amendé pour être en conformité avec la loi sur l'organisation communale. Toutes ces opérations devront tenir compte de l'élément temps. Elles doivent respecter le calendrier électoral qui doit impérativement prendre fin avant l'ouverture de la prochaine année législative, le vendredi 10 octobre 2003. Pas moins de trois opérations votatives devront se dérouler l'été prochain. Les élections communales, les élections professionnelles et le renouvellement du tiers de la Chambre des Conseillers. Le processus a été déclenché mercredi dernier par la réunion du ministre de l'Intérieur, Mustapha Sahel, avec les représentants des partis politiques au sein de la commission technique. C'est pratiquement toutes les étapes du processus électoral qui seront marquées par les nouvelles donnes introduites dans le cadre de l'évolution de la pratique électorale. L'abaissement de l'âge électoral entraîne nécessairement la révision des listes électorales. Une frange sociétale estimée à quelque 3 millions de jeunes. Il faudra les inscrire. Le gouvernement privilégie, dans ce cadre, la révision totale des listes. A côté de l'inscription des nouveaux électeurs (ceux qui auront atteint en juin prochain 18 ans) l'opération consistera en l'inscription de ceux qui n'étaient pas inscrits lors de la dernière révision avant les Législatives de 2002, ainsi que la réactualisation des listes de 1996). L'opération devra prendre, selon les projections du gouvernement, 3 mois. De mars à fin mai 2003. Dur labeur pour les préposés à la charge et un véritable défi à relever. Le gouvernement semble avoir choisi la solution radicale, qui consiste à tout recommencer, avec le risque que cela comporte. Une mobilisation exceptionnelle est nécessaire pour assurer l'inscription d'un corps électoral estimé à quelque 17 millions d'électeurs. Des mesures d'accompagnement seront indispensables pour atteindre ou s'approcher de ce chiffre, surtout que la démission des électeurs s'est déjà fait sentir lors du scrutin du 27 septembre 2002 (taux de participation de l'ordre de 51,61% avec 7.165.206 votants). La tâche n'est pas si aisée et il faudra mettre les bouchées doubles. D'une part, si l'on considère que les 7 millions d'électeurs de septembre sont acquis à la cause participative et donc il ne serait pas question de les mobiliser de nouveau, le travail en direction des inscrits qui ont boudé les dernières législatives peut s'avérer plus laborieux. D'autre part, la nouvelle frange des 18 ans demeure pratiquement inconnue, puisque les générations précédentes étaient écartées, à cet âge, de toute consultation électorale. Une véritable campagne de mobilisation semble nécessaire afin de toucher tous ces pans entiers de la société marocaine et auxquelles il faudra expliquer la vertu du civisme politique et les évolutions positives en cours. Autre point important : la révision du découpage électoral. Le gouvernement s'achemine vers la solution «à deux poids différents, deux mesures différentes». Les circonscriptions électorales rurales ne seraient pas touchées et garderaient leurs configurations et contours topographiques. Par contre, les circonscriptions urbaines pourraient subir quelques réaménagements qui tiendraient compte du poids économique et de la nécessité d'associer les communes à faible potentiel à la locomotive économique limitrophe. L'unicité de la ville devra intervenir afin que les déséquilibres socio-économiques puissent être réajustés. Contrairement aux zones rurales, les circonscriptions urbaines subiront des modifications importantes. Première innovation en la matière : la ville comportera moins de circonscriptions communales et la taille de l'unité de la ville, la commune, connaîtra une hausse très sensible au niveau de sa taille. L'étendue de la nouvelle commune sera en quelque sorte aussi grande que le territoire d'une préfecture. A titre d'exemple, Casablanca passera de 27 communes actuellement à 5 ou 6 communes. Elle sera dotée d'un Maire, un responsable de la ville, élu pour six ans, qui coiffera un Conseil de la ville (40 membres). Les élus locaux seront revus à la baisse. Une «coupe sombre» de près des trois quarts : Casablanca ne garderait que 300 à 350 conseillers communaux contre près de 1 200, actuellement. Signalons enfin que le scrutin proportionnel de liste, introduit depuis les dernières législatives, sera retenu comme mode dans les circonscriptions urbaines. Par contre, le scrutin rural garderait l'ancien système de vote uninominal à un tour. Là encore, le consensus est à rechercher. L'expérimentation du vote majoritaire à deux tours pourrait combler les failles de ce mode de scrutin jugé peu démocratique. Quant aux bulletins de vote, l'on s'acheminerait vers le retour à la formule des couleurs à la place des signes, l'expérience législative aurait démontré l'exclusion des votes « analphabètes » dans des proportions non négligeables.