Professionnel de la communication et membre actif de la société civile, Ahmed Akhchichène livre dans cet entretien express son analyse sur ce débat de fond. ALM : La démocratie marocaine devra-t-elle se bâtir nécessairement sur l'affaiblissement de l'Etat et de ses institutions ? Ahmed Akhchichène : Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que l'édification d'un Etat résolument moderne et démocratique ne peut pas être uniquement l'apanage des acteurs politiques. Je veux allusion aux partis, aux syndicats… dans la mesure, où ils façonnent le paysage politique du pays. Je tiens à vous rappeler que jusqu'à une période récente, certaines formations politiques qui sont aux commandes du pouvoir actuellement étaient rigides par rapport à la dynamique démocratique déclenchée depuis quelques années. Je suis convaincu qu'il serait trop risqué d'accorder aux seuls acteurs politiques l'initiative de formuler les contours d'un projet démocratique. Cette initiative passe nécessairement par l'implication à grande échelle de l'ensemble des acteurs. Sans cette implication, il ne peut y avoir un projet démocratique crédible et viable à moyen et à long-terme. L'édifice démocratique, comme on a pu le constater à travers l'expérience des autres pays, s'est construit sur la base de l'implication de l'ensemble des acteurs. Ces derniers sont les dépositaires légitimes d'un patrimoine démocratique. Pensez-vous que ces valeurs sont partagées? Tant que les valeurs essentielles qui vont façonner notre dessein collectif ne sont pas encore partagées par l'ensemble des acteurs, cet édifice restera toujours fragile. C'est d'ailleurs le propre d'une transition démocratique dont le processus est long. Il faudra beaucoup de temps avant que le paysage soit entièrement figé. En parlent de partage de valeurs, l'exemple de la constitution du nouveau conseil du CCDH prouve qu'on peut se mettre d'accord autour de valeurs quel que soit la nature des différents acteurs. Dans ce cas de figure, comment intervient alors le rôle de l'Etat en tant que garant de la démocratie ? Cela doit-il forcément se traduire par l'affaiblissement de ses institutions ? Comme je l'ai dit auparavant, une démocratie forte se construit autour du partage de valeurs essentielles entre l'ensemble des acteurs. Dans une période de transition comme la nôtre, chaque acteur cherche à marquer son territoire. Ce qui d'ailleurs est légitime. A terme, la démocratie devient le patrimoine de toute une société qui se traduit pas des institutions démocratiques fortes et des textes de loi et une règle de jeu admise par tous. C'est là où intervient le rôle de l'Etat en tant que gardien de la pérennité de ses institutions, du respect de son dispositif de loi. Seules des institutions démocratiques peuvent garantir la pérennité de la démocratie.