Même s'ils ne sont pas mis en avant, les enjeux économiques de la réforme de l'audiovisuel sont stratégiques pour le pays. Cette refonte se traduira notamment par l'encouragement de l'initiative privée et la création de nouveaux emplois. L'avis de deux spécialistes. Lorsqu'on aborde la réforme de l'audiovisuel, on s'attarde rarement sur ses enjeux économiques. Pourtant, si l'on décortique la question au delà de la diversification du paysage médiatique tant attendue, il faut bien admettre que les effets induits au niveau économique sont de taille pour un pays qui cherche à amorcer sa « révolution » de la société de l'information. Il n'y a qu'à voir le business généré par la vente informelle des paraboles numériques dont le montant est difficile à évaluer. Le phénomène donne le vertige. Les Marocains sont friands de produits télévisuels quelle que soit leur nature. Même la langue ne constitue plus un handicap. Les images suffisent ! Allons nous nous laisser submerger par l'offre internationale sans réagir ? Une réforme s'impose certes, mais le débat autour de la loi-cadre se focalise surtout autour des aspects juridiques, comme si le gouvernement n'avait qu'un seul souci, celui de récupérer politiquement cette refonte à la veille des élections. Le volet économique est occulté, non pas de manière volontaire mais parce que les aspects économiques sont considérés abusivement comme de simples soucis d'intendance sur lesquels on s'attarde peu. Mais les spécialistes savent que ce volet est décisif. Avant d'entrer dans le vif de ce sujet, Ahmed Akhchichen, consultant en communication tient d'abord à faire un constat. « Le Maroc a accusé un retard considérable dans le domaine de l'audiovisuel ». Contrairement à des pays similaires, le royaume a raté sa politique audiovisuelle. Celle-ci s'est opérée par des actions conjoncturelles (création de MEDI 1 et de 2M) sans pour autant répondre à une vision d'ensemble. L'exemple du Chili est à retenir pour plusieurs raisons. Dans ce petit pays, le téléviseur est un produit de première nécessité (90% des ménages sont équipés). En moyenne, les Chiliens regardent la télévision trois heures par jour. Ce qu'il faut retenir dans l'expérience chilienne, c'est qu'au-delà de la volonté politique de réformer ce secteur, l'entrée du pays dans la société de l'information a été surtout consolidée par la conscience des décideurs des retombées positives sur le plan économique. Pour le cas du Maroc, les effets de la réforme sont de deux natures, explique d'emblée M. Akhchichen. Les premiers sont directs. La refonte du cadre législatif se traduira nécessairement par la création de nouveaux emplois dans la mesure où des initiatives seront entreprises dans ce domaine (nouvelles stations de radios voire de nouvelles chaînes). L'impact de la réforme va se sentir de manière directe au niveau du marché publicitaire. « Si aujourd'hui, des PME-PMI sont exclues vu l'étroitesse de l'offre audiovisuelle actuelle, ces structures investiront d'autres espaces capables de répondre à leurs besoins », note le Consultant. « L'expérience à travers le monde l'a bien démontré », ajoute-t-il. Abdelhamid Mimouni, Président du Groupement des Annonceurs (GAM) s'aligne sur les mêmes propos. « Si la refonte de l'audiovisuel obéit fidèlement à l'esprit tel qu'il a été décliné par le Premier ministre, celle-ci entraînera une concurrence au niveau de l'offre permettant d'encourager les PME à investir les médias audiovisuels ». Le Président du GAM précise par ailleurs, qu'il est difficile pour le moment de se prononcer sur les effets de la réforme pour la simple raison que les textes ne sont pas rendus public, alors qu'il était question d'associer les différents opérateurs. Les grandes lignes de la loi cadre portent sur l'éclatement de la RTM en trois structures, la création du Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle et la refonte du statut de la MAP. Selon des membres de la Commission interministérielle qui planche sur ce dossier, le gouvernement défend la déréglementation progressive du marché de l'audiovisuel. Concernant les effets indirects de la réforme, ils sont multiples. Sur ce plan, M. Akhchichen souligne que l'impact de la révision du cadre réglementaire se traduira positivement au niveau de la création locale proprement dite. Elle permettra certainement à des talents inconnus de voir le jour. En attendant que le gouvernement dévoile sa copie, il faut souligner que les chances pour le succès de cette réforme dépendront des règles de jeu qui seront mises en place. La transparence doit en être le fil conducteur. Mais d'ores et déjà, les manœuvres de certains opérateurs ont commencé.