Pour avoir de l'argent, deux jeunes hommes se déguisaient en fkihs pour piéger les femmes. A l'entrée du Souk hebdomadaire de Ben Slimane, Abdelatif B. se tient debout, ce jour de la première semaine de Ramadan, comme s'il attendait un ami. Ce jeune de trente-cinq ans, vêtu d'une djellaba blanche et d'une babouche jaune, se contente d'examiner de temps en temps, les passants comme s'il cherchait quelqu'un. Il a un petit sac noir à sa main. Quelques secondes plus tard, il commence à arpenter en psalmodiant des mots. Personne ne sait ce qu'il disait. Mais il semble être arrivé à attirer l'attention de quelques passants qui freinent leurs pas, tournent leurs têtes vers lui, lui lancent des regards avant de reprendre leur chemin vers le Souk. Il ne remarque rien parce qu'il se soucie d'autres choses…Lesquelles ? Personne ne sait au juste. Milouda, trente-cinq ans, vêtue d'une djellaba verte et d'une sandale en cuir marron, traîne ses pas vers le Souk, avec son panier à la main. Elle ne pense, ce matin, qu'aux prix des légumes qu'elle devait acheter pour ce mois de Ramadan. Elle pense également à ses deux fillettes qu'elle avait laissées seules à la maison. Elle ne veut pas les emmener avec elle parce qu'elles la dérangent. Son portefeuille renferme cinq cents dirhams. C'est la somme que son mari lui avait versée. Quand elle s'apprête à rentrer au Souk, Abdelatif avance vers elle. Celle-ci recule de quelques mètres. «Ne crains rien Ya Bent Lajwade (Fille des Esprits)…», lui dit-il. Milouda n'avance plus d'un seul pas. «Talbine Taslime (Nous demandons la paix)…», balbutie-t-elle. Abdelatif lui demande sa main droite. Milouda n'hésite pas à la lui tendre. Il commence à lui examiner les traits de sa paume, psalmodie des vers qu'elle ne comprend pas. «Oh ! Tu souffres…Ta belle-mère et tes belles-sœurs veulent te mettre dans l'enfer…Elles sont jalouses de toi…Elles t'ont ensorcelée…C'est la raison pour laquelle tu penses trop…», lui confie-t-il. Tout à coup, un jeune avance vers eux. «F'kih, fkih, je t'ai cherché partout…je veux te parler…», lui demande-t-il. Abdelatif lève la tête et lui demande : «Cherche-moi une autre fois…Mais avant de partir je te conseille de faire attention à tes mille dirhams que tu as dans la poche droite…», lui conseille-t-il sur le ton d'un sage. Le jeune homme met sa main à sa poche droite, prend les mille dirhams, les compte devant leurs yeux avant de les remettre dans la poche de sa veste. Et il rebrousse chemin après lui avoir remis un billet de cent dirhams. Abdellatif saisit la main de Milouda, lui met dedans une petite pierre et lui demande de fermer les yeux. Quand elle les rouvre, elle les écarquille. Elle conçoit que la pierre s'est changée en un clin d'œil et sous l'effet de la sorcellerie en un morceau de fourrure d'hyène. «Tu dois avancer à trois pas, ramasser une petite pierre et me la remettre…», lui demande-t-il. Il reçoit la petite pierre et lui demande de lui donner tout l'argent dont elle dispose sans crainte. Milouda lui livre les billets. Il les enroule dans un morceau de papier et les lui remet. Il lui ordonne de les remettre dans son sac à main sans les regarder et de retourner chez elle pour ouvrir le papier. «Ne rentre pas maintenant au Souk, il faut que tu ailles chez toi…», lui demande-t-il. Milouda rentre chez elle, ouvre le papier et elle ne trouve que la petite pierre. Et les cinq cents dirhams ? Ils sont dans les poches de Abdellatif et son ami, Khaled O, trente-quatre ans, SDF, qui s'est présenté devant lui au moment de sa conversation avec Milouda. Lorsqu'elle est revenue pour les rechercher, elle ne les a pas trouvés et elle s'est dirigée vers le commissariat pour déposer plainte. Mis hors d'état de nuire, Abdellatif et Khaled déclarent avoir fait tomber d'autres victimes, toutes des femmes, dans leurs filets.