Le rite de l'initiation soufie s'étale sur plusieurs étapes. De l'affiliation simple à la Idjâza la plus élevée, le soufi vit une multitude d'états mystiques. Au début de l'islam, les soufis portaient un vêtement blanc de laine (s'ûf en arabe), par la suite une étoffe rapiécée de loques bigarrées (murraqa' ou khirqa ). Le don de la khirqa (ou in-vesti-ture) est devenu le rite par excellence de l'initiation soufie. Cette initiation comprend trois éléments: la réception de l'enseignement ésotérique de l'ordre (talqîn) le serment d'allégeance au cheikh (bay'a ou akhdh al-'ahd) l'investiture par la khirqa. La khirqa est composée de deux parties: a. la khirqat at-tabarruk (khirqa de la bénédiction): matérialisant la succession des disciples depuis le fondateur de l'ordre jusqu'au cheikh actuel. b. La khirqat al-wird (khirqa de la prière mystique) qui matérialise la succession "apostolique" depuis le Prophète jusqu'au fondateur de l'ordre. Autres dons symboliques dans certains ordres turcs: don d'un pantalon de cérémonie (sirwâl), d'une ceinture (h'is'ân) ou d'une couronne (tâj). 1.L'affiliation simple Dans l'ordre des Qadiriyya, la bay'a se passe encore de nos jours de la façon suivante. Le novice (murîd ou mouride), après purification et après une prière de deux cycles, s'assied en face du cheikh, la main droite posée sur la main droite du cheikh. Il récite la Fâtiha, différentes formules mentionnant le Prophète, les grands cheikhs soufis, spécialement ceux de la lignée qâdiriyya Le cheikh prononce alors une prière que le novice reprend phrase par phrase. Cette prière demande le pardon de Dieu, témoigne que l'alliance contractée dans cette cérémonie ('ahd) est l'Alliance de Dieu et de Son Envoyé, que la main du cheikh est celle du fondateur de l'ordre ('Abd al-Qâdir al-Djilânî), promet que le dhikr (prière remémorant les noms de Dieu) qu'il va réciter est bien conforme aux volontés du fondateur. Le cheikh prononce silencieusement trois fois: ô Unique, ô Sublime, donne-moi Ton souffle, puis il récite le Coran 41.11 et 16.91 (sur l'obéissance du disciple au maître) et 3 fois le tawhîd ("il n'y a point de divinité sauf Dieu"). Le novice répond qu'il accepte toutes les conditions et le cheikh répond: "Moi aussi, je t'accepte comme mon fils" . puis le cheikh donne au disciple une coupe d'eau ou d'huile, et son dhikr personnel (cf. don du mantra dans les cérémonies hindoues). Enfin le cheikh et le novice récitent ensemble la Fâtiha et la formule de l'unicité divine (tahlîl). 2. L'initiation plénière Elle est donnée à la fin de la période de noviciat pour ceux qui le désirent. Le mouride est enduit d'eau ou de lait (onction), investi d'une nouvelle khirqa. Il reçoit un chapelet (tas'bih'a) et un livre de prières (awrâdouvent) d'après les règles duquel il vivra, priera, jeûnera, dont il respectera les moments de silence, et suivra les vigiles. 3. L'idjâza L'idjâza la plus simple affirme simplement qu'un tel a suivi l'enseignement de tel ou tel maître spirituel. L'idjâza la plus élevée est donnée au khalîfa (sous-cheikh) l'autorisant à admettre dans l'ordre de nouveaux disciples. Ce que l'on recherche par la voie mystique, c'est la connaissance expérimentale de Dieu (voir ci-dessous). Sur ce chemin , on passe par différents états mystiques. Les états mystiques 1. les états clos sont décrits par les racines JRD (taJRîD) et FRD (taFRîD), qui connotent l'idée de détachement des attaches de ce monde, l'esseulement. Le tajrîd, ou esseulement, c'est quand l'homme est seul avec lui-même face à une Essence divine qui lui semble inaccessible. l'homme se désquame de son moi comme le serpent de sa peau (Bist'âmî). Le tajrîd, c'est de ne rien posséder, le tafrîd c'est de n'être possédé par rien. Mais il s'agit de se détacher du monde pour ou vers Dieu, d'où l'état mystique suivant. 2. L'élan ouvert: tafrîd, ifrâd et infirâd Tafrîd suggère la difficultueuse obtention de cet état. Ifrâd suggère une obtention souveraine, une arrivée. Infirâd, c'est l'esseulement dans le but d'être accueilli par Dieu. Au bout du chemin, c'est le fanâ': le soufi tend à disparaître (c'est ce que suggère le mot arabe) de lui-même pour subsister en Dieu seul.