La prochaine déclaration gouvernementale obéira-t-elle à la logique arithmétique des groupes et du vote en bloc, ayant prévalu par le passé? Rien n'est moins sûr. Tout donne à penser qu'une «siba» est en train de s'instaurer. Qui est avec qui ? Qui respectera la logique de vote de son groupe parlementaire ? Telles sont les questions qui se posent avec acuité, au lendemain de la constitution des groupes. D'une part, le souci immédiat de l'instance parlementaire était de constituer le bureau et les commissions, sur la base des groupes parlementaires. Ces derniers sont passés de 11, lors de la précédente Législature, à 8 actuellement. Cependant les mouvements migratoires, d'un groupe ou parti à d'autres, continuent de plus belle. Mêmes les présidents de groupes parlementaires n'arrivent pas à maîtriser leurs troupes. L'USFP et le PJD font une exception. Ils ont gardé exactement le même nombre des députés, depuis la proclamation officielle des résultats le 29 septembre 2002. Pour le reste, c'est plus ou moins la confusion totale. Dès lors, face aux vastes mouvements de transhumance politique, aux incertitudes sur le groupe du RNI et de l'attitude de l'Union Démocratique, les 206 députés comptabilisés pour la nouvelle majorité gouvernementale, doivent être revus à la baisse. Mis à part l'USFP (50 députés), le PI (53), le PPS-PSD-Al Ahd (21), les deux autres alliés gouvernementaux revoient à la baisse les adhérents parlementaires à la majorité gouvernementale. Pour le moment, M. Driss Jettou n'a rien à craindre pour sa majorité. La question pourrait ne jamais se poser, devant la pléthore de partis et de députés qui n'attendent qu'à rendre service. Mais la situation risque de se compliquer par les frondes tacites que pourraient mener tous les déçus des tractations qui ont marqué la formation de l'Exécutif. La donne politique a changé et le poids des interférences personnelles se fait sentir. Car presque aucun parti de l'actuelle coalition n'est épargné par les ressentiments. La grogne n'est pas spécifique au RNI ou au PI. Elle a atteint, de manière tacite, d'autres formations. Et les frustrés et mécontents pourraient recourir, chacun à leur manière, à des moyens spécifiques pour prendre la revanche sur ceux ou celui qui les auraient écartés de la course au gouvernement ou, à défaut, de la hiérarchie parlementaire. Même certains leaders, exaspérés et touchés presque dans leur dignité d'hommes politiques, pourraient jouer la carte du pourrissement ou au moins observer nonchalamment le comportement de leurs élus. Et puis, on est en démocratie et chacun a le droit à la différence, même au sein du même parti ou groupe parlementaire. Il est vrai que les parlementaires marocains se sont habitués aux absences répétitives et non justifiées. Les sons de cloche prévalant aujourd'hui pourraient amplifier le phénomène des désertions. Des députés, qui n'oseraient pas confronter la nomenclature politique, pourraient opter pour la politique de la chaise vide. C'est dire que le climat au sein des partis politiques risque de donner naissance à de nouveaux comportements vis-à-vis des appareils politiques et de l'Exécutif. Il faudra d'abord attendre la présentation et le vote de la déclaration gouvernementale pour se donner une idée sur les rêves latents des uns et des autres. Viendra, ensuite, la discussion de la loi de Finances pour 2003. Là, les chefs des groupes parlementaires devront faire appel à tout leur savoir-faire afin d'assurer la présence de tous les fidèles, le jour du vote des budgets sectoriels, notamment des ministères sous la tutelle de partis en perpétuelle protestation. Aussi au vu du nombre croissant des frustrés de la politique politicienne ou de choix délibérés, des surprises pourraient avoir lieu et créer des précédents, qui, s'ils ne sont pas circonscrits à temps, ils pourraient transformer l'enceinte parlementaire en une arène pour les règlements de compte. A l'image malheureuse qui prévaut aujourd'hui au sein des partis.