Mohamed Tissir est ce que l'on pourrait qualifier de retardataire. Pas dans ses rendez-vous, l'homme est d'une ponctualité pointue. Il a plutôt adopté le jeu d'échecs à un âge tardif et a relevé le défi de s'illustrer comme un stratège redoutable. À l'âge de 27 ans, Mohamed Tissir n'aura pas assez roulé sa bosse autour des échiquiers. On ne peut de ce fait pas dire qu'il est tombé dans la soupe à un âge très bas. Il ne sera épris du légendaire jeu de stratégie qu'à un âge relativement avancé, contrairement aux champions dans diverses disciplines qui, généralement, font leurs premiers pas durant leur âge tendre. En effet, l'homme n'a touché un pion pour la première fois de sa vie qu'une fois bouclés ses 16 printemps. Il voyait souvent son cousin jouer à ce jeu bizarre qui ressemblait étrangement au jeu de Dames version marocaine, mais le courant n'est jamais passé entre lui et ces pions tout aussi bizarres. L'année où il fut initié aux échecs coïncida avec l'organisation d'un championnat scolaire dans son collège, c'était en 1993. Même avec le peu de connaissance des coups tordus qu'on pourrait infliger à ses adversaires, il tenta sa chance et prit part à ce challenge ; un premier qui annonçait bien d'autres. Notre ami fit très bonne figure et faillit remporter ce mini-championnat. « Lors du match ultime, je ne possédais plus que le roi. Une fois coincé, on m'a annoncé que j'avais perdu, ce qui était faux car on ignorait les règles du jeu. En principe, lorsque le roi se retrouve dépouillé, sans aucune force ni défense et sans case de fuite, le match est à refaire. Mais je ne l'ai su qu'ultérieurement et je crois que ça a été le déclic pour que je fonce tête baissée dans ce jeu fabuleux», raconte aujourd'hui Mohamed Tissir avec un brin de nostalgie. Il consacra par la suite une majeure partie de son temps à dévorer les livres consacrés au jeu de stratégie par excellence. Il intensifia les confrontations avec divers adversaires, dans des cafés et autres lieux publics. Une année à peine s'était écoulée et le novice qu'il était fit un tabac à Khemisset, en remportant le Championnat du Maroc juniors 1994. Il avait fini par réveiller le monstre qui sommeillait en lui. En 1995, il récidiva en s'adjugeant le même titre, confirmant ainsi son talent. Il décrochera ensuite la médaille de bronze dans le Championnat arabe juniors aux Émirats Arabe Unis. Auréolé de ses premières réalisations, Tissir ira encore plus haut, en 1996, en remportant le Championnat national seniors, durant lequel il croisa le fer avec le Grand Maître international Hicham Hamdouchi. Duel qui n'a fait, fort heureusement aucun mécontent, puisqu'il se solda par un nul. La même année se succédèrent une médaille de bronze en Championnat arabe juniors, la 2e meilleure performance marocaine lors des Olympiades des échecs en Arménie, puis une 4e place aux championnats arabes seniors au Yémen. Mohamed Tissir fit son entrée au classement mondial avec 2365 en 1997. Année durant laquelle il fut second au Championnat du Maroc. Il remporta, entre autres, l'Open international de Cléopâtre au Caire et accédera à son premier grade de Maître de la Fédération Internationale des échecs (Maître FIDÉ). Devenu Maître International en 1998, après avoir remporté, ex-aequo avec un Égyptien, le Championnat d'Afrique. Il reviendra en 1999 pour se l'adjuger seul et acquerra, par là-même, une norme sur les trois qui lui attribueront le titre de Grand Maître international, son principal objectif actuellement. Cette année coïncidera également avec son second titre seniors au Championnat national. Le troisième millénaire sera synonyme de sa participation à la Coupe du Monde en Chine. Il fut le premier Arabe et Africain à y participer et il y reviendra à la fin de l'année 2003, après s'être qualifié en tant que 1er au zonal africain (Afrique du Nord). Cependant, la liste de ses réalisations est tellement longue que l'on ne pourrait trop s'y attarder. Il faudra compter avec une multitude de tournois, nationaux et internationaux, mais on y reviendra incessamment.