Le ministre français de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat était l'invité, vendredi dernier à l'ENA, du ministère de la modernisation des secteurs publics et du Cercle d'amitié franco-marocain. La réforme de l'Etat a été à l'ordre du jour d'un important colloque organisé, conjointement, par le ministère de la Modernisation des Secteurs publics et le Cercle d'amitié franco-marocain, le vendredi dernier à Rabat. La salle de conférence de l'Ecole nationale d'administration (ENA) était archicomble. Directeurs dans différents départements ministériels, opérateurs économiques, professeurs universitaires et étudiants sont venus nombreux pour écouter le ministre français de la Fonction publique et la Réforme de l'Etat, Renaud Dutreil, par ailleurs, vice-président du cercle d'amitié franco-marocain. A l'instar du Maroc, les préoccupations françaises en matière de réforme de l'administration sont érigées en priorité gouvernementale. En outre, le témoignage d'un ministre français ne peut être qu'instructif car la fonction publique marocaine est pratiquement une copie conforme de celle de l'Hexagone. Dès le départ, le ministre français a mis en exergue la contrainte majeure qui caractérise toute, réforme des appareils étatiques: "le juste dosage entre la nécessaire compétitivité économique de l'Etat et la garantie du service public". Un équilibre qu'il n'est pas évident de réaliser. Car cette notion de compétitivité économique et ses corollaires, l'efficacité, la performance et la productivité riment souvent avec dégraissage, départs volontaires à la retraite, redéploiement… bref, tout ce qui est de nature à fâcher les fonctionnaires. Or, en France, le poids des syndicats est très important. Pour l'anecdote, Renaud Dutreil a rappelé un slogan révélateur d'une des centrales syndicales arborant la phrase: "Non à l'efficacité". C'est dire que la mission de Dutreil et de son homologue marocain, Mohamed Boussaïd, n'est pas de tout repos. Un tel poste exige une grande capacité de conviction. Aussi, Dutreil au même titre que Boussaïd sont en passe de révolutionner la fonction publique en instaurant de nouveaux mécanismes d'évaluation et de promotion. "En France, nous avons deux mécanismes de rémunération: le GVT (glissement, vieillesse, technicité) et la nature de la fonction (un enseignant dans un quartier chic est naturellement moins payé qu'un autre en poste dans un établissement à difficulté)", explique le ministre Dutreil. Et d'ajouter: "nous essayons de mettre en place une troisième catégorie ayant trait au mérite de chaque fonctionnaire". Concernant les départs à la retraite, la France a eu une expérience intéressante. Ainsi, les fonctionnaires qui travaillent depuis l'âge de 14, 15 et 16 ans sont partis en masse, ils représentent 100.000 personnes. Parallèlement à cela, la fonction publique française supprime annuellement 80.000 postes budgétaires, suite aux départs à la retraite. A la question, importante, de savoir si la modernisation des appareils de l'Etat doit être considérée comme un préalable à tout décollage de l'investissement, Dutreil a été catégorique: "les deux processus doivent être enclenchés concomitamment". En termes clairs, le secteur privé doit cesser de prendre comme prétexte les tares de l'Administration pour éviter de financer le développement.Concernant la simplification des procédures, Renaud Dutreil a estimé que "l'Etat moderne est par définition complexe". Toutefois, le ministre a distingué entre "back office" et "front office", des notions puisées dans le jargon du secteur privé. C'est ainsi qu'il admet que le "back office" soit compliqué. C'est la cuisine interne de l'Administration. Toutefois, l'Etat est tenu de s'organiser de telle manière que ces difficultés ne se répercutent pas sur les usagers. D'où l'importance du "front office" dans la politique de rapprochement de l'administration des administrés.