La souveraineté européenne serait-elle inquiète de la suzeraineté ottomane. L'inconscient collectif serait-il à l'œuvre ? Charrie-t-il encore, cet inconscient, le souvenir des croisades ? La défaite de Nicopolis où Anglais, Français, Italiens, Allemands et Hongrois, encouragés par le Pape Boniface, vont être défaits par les Turcs (1395)? La souveraineté européenne serait-elle inquiète de la suzeraineté ottomane. L'inconscient collectif serait-il à l'œuvre ? Charrie-t-il encore, cet inconscient, le souvenir des croisades ? La défaite de Nicopolis où Anglais, Français, Italiens, Allemands et Hongrois, encouragés par le Pape Boniface, vont être défaits par les Turcs (1395)? Constantinople serait-elle en train de remuer sous Istanbul (1453)? Le siège de Vienne (1529) préserve-t-il sa part d'effroi? La byzantine Basilique Sainte-Sophie toise-t-elle, sur les rives du Bosphore, la Mosquée Bleue, avec un rictus de revanche ? Ces questions deviennent légitimes dès lors qu'il s'agit de comprendre, non pas la nature du débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union, mais le degré de rage qu'il provoque. Toute adhésion suscite un débat entre partisans et adversaires. L'adhésion de l'Espagne et du Portugal, on s'en souvient, avait fait l'objet d'une rude discorde entre les Etats membres. Qui pourrait imaginer, aujourd'hui, l'Europe sans l'Espagne, sans le Portugal. Mais avec la Turquie, nous changeons de logiciel. La question ne se limite pas à des dimensions économiques, sociopolitiques, voire même géostratégiques. Avec la Turquie, l'Europe est confrontée à une question civilisationnelle. Cette masse en devenir, avec ses 25 Etats membres serait-elle capable d'absorber un Etat avec 80 millions de Musulmans ? C'est la seule question, souvent inavouée, qui pose problème. Toutes les arguties, souvent fondées, (fragilité économique, réservoir d'émigration, démocratie balbutiante, droits de l'homme, reconnaissance du génocide arménien…) des adversaires de l'adhésion ne sont qu'un vernis qui dissimule la peur de l'Islam. Seul pays musulman membre de l'Otan, membre du conseil de l'Europe depuis 1950, c'est-à-dire un an après sa création, la Turquie a entamé sa démarche d'adhésion en 1963. C'est tout dire. Or beaucoup d'eau a coulé depuis, sous les ponts de l'Histoire. La Turquie n'est plus l'allié privilégié contre le communisme. Elle n'est plus l'un des rares pays laïcs et musulmans. Elle a perdu ses exceptions. Elle est, aujourd'hui, examinée à l'aune du 11 septembre. Elle est dévisagée sous le prisme du terrorisme qui, entre autres, ne l'a même pas épargnée. Elle fait peur parce qu'elle est musulmane. Elle fait peur par sa vitalité démographique dans une union où la constitution indexe le nombre de députés sur le nombre d'habitants. Pourtant, avec la Turquie, l'Europe a une chance unique de perfectionner sa dimension universelle. Elle a une singulière opportunité d'amoindrir le clivage Orient-Occident. Elle peut, avec la Turquie en son sein, affaiblir l'intensité de ce funeste choc de civilisation dont rêvent, de part et d'autres, d'aucuns. Aujourd'hui, c'est une date décisive pour l'avenir de la Turquie et de l'Europe. Les chefs d'Etat réunis à Bruxelles doivent décider d'ouvrir ou non les négociations d'adhésion de la Turquie courant 2005 ou, au plus tard, début 2006.En faisant, ils décideront aussi de faire ou de ne pas faire de Recep Tayyib Erdogan un nouveau Soliman le magnifique.