Jamal Eddine Naji, professeur à l'Institut supérieur de l'information et de la communication, vient de sortir un livre sur la déontologie et les médias. Il nous livre dans cet entretien sa perception de la chose. Aujourd'hui le Maroc : votre livre intervient à un moment où plus que jamais la question de la déontologie est d'actualité. Comment faire justement pour que les règles déontologiques prennent le dessus? Jamal Eddine Naji : D'abord, je dois signaler que ce livre sur les médias et la déontologie ne concerne pas uniquement le Maroc. C'est un travail de plusieurs mois et qui concerne une dizaine de pays. La conjoncture a voulu que sa sortie coïncide avec ce débat sur la déontologie, c'est un fait que je relève. Maintenant, que faire pour un meilleur respect de la déontologie. C'est là une question qui interpelle tous les professionnels et qui sont appelés à réfléchir sur le meilleur moyen d'y parvenir. C'est un long chemin qu'il faut parcourir avec patience… C'est le corps du métier, c'est à dire les professionnels, qui doit faire son code? C'est bien de dire le corps du métier, parce que, généralement, on a tendance à oublier cette donne. Et c'est ce corps qui doit procéder à une sorte d'autorégulation qui mette un terme à tous les dérapages. Les exemples étrangers sont édifiants. En Allemagne ou en France, c'est à partir des codifications des professionnels que les codes, qui font force de loi, sont adoptés ou aménagés. Mais, pour cela, il faut un climat sain au sein des entreprises de presse et une justice juste et indépendante. N'a-t-on pas besoin justement de modifier les articles du code de la presse, voire même ceux du code de la procédure pénale pour que les règles de la déontologie soient de mise? Ce n'est pas cela qu'il faut. Le code de la presse peut être aménagé. Mais si les professionnels ne font pas l'effort de consolider leur profession, d'interdire les intrus et les intrusions d'autres instances, si les professionnels font peu de cas des règles de la déontologie, on ne peut demander aux autres pouvoirs, notamment judiciaire, de ne pas intervenir. Deuxième point important, il ne faut pas oublier qu'on vient de sortir à peine d'une ère où la liberté d'expression n'était pas vraiment acquise. C'est un environnement nouveau qu'il faut consolider et on ne peut y parvenir qu'en tirant les leçons des gaffes et des dérapages. Autrement dit, vous appelez à une régulation par les gaffes… Vous savez que partout dans le monde, c'est à partir des enseignements tirés de scandales et de gaffes que la profession a évolué et qu'elle a aujourd'hui des codes exemplaires. C'est lorsque l'on parviendra à ce stade que tout dérapage sera régulé par la profession et tout acte indésirable et qui porte préjudice à la profession ne passera plus. Il faut savoir aussi que les règles déontologiques imposent des devoirs, consolident les droits et c'est par ces règles que la profession sera immunisée. On tourne en rond finalement parce qu'on ne sait pas où s'arrête la liberté d'expression, les droits de l'Homme et où la loi doit sévir? Vous savez que le socle universel est la charte de l'ONU des droits de l'Homme. Tout cela est à voir dans le contexte marocain et, avec la volonté de tous, on parviendra à régler les différents problèmes. Il doit y avoir des chartes éditoriales inhérentes à chaque entreprise de presse. Si tout le monde s'y conforme, le reste suivra. Mais admettons qu'il s'agit là d'un travail de longue haleine et nécessitant la contribution de tous. Les professionnels en premier, sinon en exclusivité.