La Chambre des Représentants n'a toujours pas réglé la question des effectifs des groupes et la répartition des postes de responsabilité en son sein. En attendant l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, les rumeurs vont bon train, mais aucune information crédible ne filtre. Quand l'information est absente, c'est la rumeur qui tient le haut du pavé. Comme toujours. Cette situation se vérifie chaque jour qui passe sans que rien ne filtre sur les consultations en vue de la formation du nouveau gouvernement. Résultat : en dehors du Premier ministre désigné, personne ne sait où en sont les choses. Après les audiences accordées par Driss Jettou aux chefs des partis dans la foulée de sa nomination, la classe politique, lasse d'attendre un gouvernement qui a visiblement du mal à émerger, commence à donner des signes d'impatience, voire de résignation. On a cru que l'élection du président du Parlement, intervenue lundi 21 octobre, allait nous fixer une fois pour toutes sur les composantes de la majorité et des alliances gouvernementales. Las ! La reconduction d'Abdelouahed Radi à une large majorité n'a pas dissipé le brouillard. Ce scrutin a tout juste permis aux partis ( USFP, Istiqlal, RNI, MP-MNP), pressentis pour rejoindre le futur cabinet Jettou, de voter pour le candidat de l'USFP. Mais jusqu'ici, il convient de remarquer que les alliés du nouveau gouvernement n'ont fait l'objet d'aucune annonce officielle. Le Premier ministre désigné n'a pas cru nécessaire de communiquer sur cet aspect. Faut-il y voir une précaution de M. Jettou, qui ne voudrait pas s'engager de manière explicite si des fois il serait amené à faire des choix en dehors de certaines formations de la majorité parlementaire ? Une chose est sûre : Driss Jettou aurait bien aimé ne pas être prisonnier d'une certaine logique partisane pour pouvoir contourner certains partis qui se sont imposés à lui sans qu'il les aient choisis de son plein gré. Justement, c'est tout le problème de l'intéressé, ou du moins l'impression qu'il a donnée tout au long de ses consultations. À défaut d'être en mesure d'opter pour les partenaires dont il se sent proche, M. Jettou tente, semble-t-il, de se rattraper sur un autre registre tout aussi important, sinon capital : les hommes. Ceux qui formeront son équipe. Sur ce sujet, Driss Jettou se montre intransigeant. Quand on est exigeant avec lui-même avec une certaine idée de son poste de chef de gouvernement, on l'est aussi avec les candidats à la ministrabilité. Pas question pour lui de valider n'importe qui de telle sorte qu'il puisse sortir du lot des profils mieux adaptés à ses yeux aux différents portefeuilles ministériels dédiés aux partis. Selon certaines informations, Driss Jettou en est actuellement à sa troisième liste de ministrables, fournie par chaque formation. Les deux premières auraient été rejetées, les noms proposés étant jugés moins “bons“. Les choses semblent coincer à ce niveau-là. Avec des navettes entre le Premier ministre désigné et les chefs des partis concernés. M. Jettou, qui a installé ses quartiers à l'hôtel Mamounia à Marrakech, consulte, rectifie, discute. Un travail de peaufinage des plus laborieux. Les négociations qui doivent être serrées n'ont pas encore abouti. Prévue par la rumeur pour demain mercredi 30 octobre, la constitution officielle du gouvernement serait annoncée dans les deux jours à venir. En attendant que M. Jettou mette en place un “tour de table“ politique fructueux, les spéculations vont bon train. Contrairement aux conciliabules qui ont présidé à la formation du gouvernement Youssoufi en 1998, on ne peut pas cette fois-ci parler d'une bourse de ministrables avec des “valeurs“ qui montent et baissent, une bourse qui fait des noms d'un jour avant de les défaire juste après. Avec Driss Jettou, c'est le black-out total, mâtiné d'un certain malaise de plus en plus perceptible. Rien ne transpire. Sinon des rumeurs sur tel ou tel ministrable, souvent distillées par les intéressés eux-mêmes : Abbas El Fassi qui veut être ministre des Affaires étrangères après avoir tout raté. Il n'est pas d'ailleurs le seul à convoiter ce portefeuille. Le leader du RNI, Ahmed Osman aussi. Mais tout laisse croire que le titulaire actuel, Mohamed Benïassa, serait maintenu. Le chef du MP Mohand Laenser voudrait prendre les commandes de l'Agriculture. On parle également de Driss Lachgar aux relations avec le Parlement alors que Mohamed Bouzoubaâ serait pressenti à la Justice. En vérité, tous ceux qui se voient ministres ou espèrent entrer dans le gouvernement Jettou sont perdus. Le fond de l'ambiance est au flottement. Certains ne savent pas s'ils sont retenus ou rejetés, tandis que d'autres ignorent s'ils ont été proposés. En ne les mettant pas dans la confidence, les chefs respectifs des uns et des autres évitent ainsi beaucoup de problèmes. Faute d'être rassurés sur leur destin politique immédiat, les ministrables de tous les partis pressentis pour intégrer le cabinet Jettou en sont réduits à prier, paumes tournées vers le ciel. Peut-être que la chance leur sourira…