Maroc-Espagne. Une analyse objective de la situation, après une année de crise, devrait inciter les deux pays à redéfinir le cadre de leurs relations et à reprendre le dialogue afin de bâtir une nouvelle ère d'amitié et de coopération. Chronologie d'une crise. Il y a un an, le Maroc rappelait son ambassadeur à Madrid pour consultations. Le 27 octobre 2001, Abdessalam Baraka rentrait d'Espagne suite à un rappel officiel du ministère des affaires étrangères et de la coopération. Une action de protestation qui allait marquer le début d'une série de tensions diplomatiques et de confrontations médiatiques qui ont failli dégénérer en un conflit militaire l'été dernier. Le gouvernement marocain avait pris la décision de rappeler son représentant diplomatique dans la capitale espagnole à cause d'un "certain nombre d'attitudes et de positions espagnoles concernant le Maroc". Côté espagnol, la décision du "rappel de l'ambassadeur pour consultations", qui est la plus grave manière de protestation diplomatique après la rupture des relations entre les Etats, n'était pas justifiée et n'avait été liée à aucune raison bien déterminée. Ceci servit d'argument au gouvernement de Madrid pour ne pas réagir. Il opta donc pour le silence et préféra ne pas faire de commentaire sous prétexte qu'il ne connaissait pas les raisons de l'attitude marocaine. Pourtant, Rabat laissait entendre que le différend se situe autour du soutien déclaré de Madrid au Polisario, essentiellement. Madrid, de son côté, soulevait le problème de l'émigration clandestine. Ce scénario d'échanges d'accusations de part et d'autre allait continuer durant neuf mois. Durant lesquels, les deux gouvernements ont adopté une attitude passive préférant attendre que l'initiative de la réconciliation émane de l'autre. Seules des déclarations de certains membres du gouvernement espagnol venaient, de temps à autre, faire monter la tension et provoquer une nouvelle escalade médiatique entre les deux pays. Au mois de juillet, la crise allait connaître un tournant très grave et prendre une dimension militaire. Ainsi, et suite à l'installation par le gouvernement marocain de 6 éléments de la gendarmerie sur l'Ilot marocain "Tourah", le gouvernement espagnol a considéré que cela constituait une violation d'un territoire "espagnol". Et le 17 juillet, les forces armées espagnoles ont envahi l'îlot de Tourah, dit "Perejil" pour les Espagnols, embarqué de force les membres de la sécurité marocaine et hissé deux drapeaux espagnols sur l'îlot marocain. Suite à cette action militaire qualifiée de colonialiste, des interventions à l'échelle internationale, notamment la médiation des Etats-Unis d'Amérique, ont permis aux deux pays de renouer avec le dialogue et d'entamer des négociations. C'est dans ce cadre, que le ministre espagnole des affaires étrangères, Ana Palacio, était arrivée au Maroc le 22 juillet pour s'entretenir avec son homologue marocain, Mohamed Benaïssa. À la fin de cette réunion, les deux parties ont rendu public un communiqué conjoint dans lequel les deux parties s'étaient mises d'accord pour retourner au statu quo d'avant juillet 2002, et d'ouvrir "un dialogue franc et sincère pour renforcer leurs relations bilatérales". Une deuxième rencontre pour poursuivre le dialogue devait alors avoir lieu entre les chefs de diplomatie des deux pays au mois de septembre à Madrid. Une réunion qui n'eut jamais lieu. Elle fut annulée du côté marocain à cause de l'atterrissage d'un hélicoptère espagnol sur l'îlot Tourah la veille du départ de Benaïssa. Aujourd'hui, les relations entre les deux royaumes se trouvent dans une impasse. Et seule une volonté réelle de dialogue de part et d'autre pourrait aider à dépasser une année de crise avec toutes ses séquelles et ses répercussions sur les intérêts des deux pays.