Le FSHIU est alimenté depuis 2002 par la taxe spéciale sur le ciment (qui représente 80% de ses ressources), ce à quoi se sont ajoutés depuis 2013 une taxe spéciale sur le sable et un prélèvement sur le rond à béton. Si les comptes spéciaux du Trésor, aussi appelés «caisses noires du budget», sont décriés par les observateurs des finances publiques, il en est un qui suscite plus encore la polémique. Il s'agit du Fonds de solidarité habitat et intégration urbaine (FSHIU) qui finance les programmes de lutte contre l'habitat insalubre (principalement les bidonvilles et les quartiers d'habitat non réglementaire). Ses détracteurs, en première ligne les fabricants de matériaux de construction réunis sous la bannière de la Fédération marocaine des industriels des matériaux de construction (FMC), réclament aujourd'hui explicitement sa suppression. Ils basent cette requête sur plusieurs éléments. Les professionnels trouvent d'abord à redire sur les sources de financement de ce fonds. Le FSHIU est alimenté depuis 2002 par la taxe spéciale sur le ciment (qui représente 80% de ses ressources), ce à quoi se sont ajoutés depuis 2013 une taxe spéciale sur le sable et un prélèvement sur le rond à béton. La mise en place de ces taxes a d'abord mécaniquement alimenté une inflation sur le secteur de la construction selon la FMC. La taxe spéciale sur le ciment (150 DH/tonne) est ainsi, à elle seule, responsable d'une hausse du prix de ce produit de 18% sur les 13 dernières années, selon les calculs de la fédération. Le prélèvement sur le sable (25 DH/m3 pour le sable de mer et 10 DH/m3 pour le sable de concassage) a fait flamber le prix de ce matériau de 15% tout juste depuis 2013. Le fer à béton, enfin, a vu son prix augmenter de 2% depuis qu'il est taxé à 100 DH/tonne. Naturellement, toutes ces hausses renchérissent directement le prix des logements étant entendu que les industriels répercutent les taxes qu'ils subissent sur les consommateurs pour la plus grande partie. Le déficit en habitat a reculé de 60% entre 2002 et 2015 Mais au-delà du simple effet sur les prix, les professionnels pointent des conséquences plus nocives. Les taxes spéciales ont en effet induit une distorsion concurrentielle au sein du secteur des matériaux de construction. Certaines filières telles que la préfabrication, utilisant le sable, le fer à béton et le ciment comme intrants, sont de fait désavantagées par rapport aux fabricants de produits de substitution n'utilisant pas ces matières premières. Ces derniers ne sont en effet pas taxés et ils peuvent donc vendre leur produit moins cher. La pilule passe d'autant plus mal pour les professionnels que ces prélèvements sur les matériaux de construction consistent en des taxes parafiscales qui n'ont pas d'assise juridique claire, au vu de la nouvelle Constitution, ainsi que l'affirme Driss Effina, économiste et spécialiste de l'immobilier ayant étudié la problématique des taxes spéciales sur les matériaux de construction pour le compte de la FMC. «Le recours aux taxes parafiscales pénalise des secteurs par rapport à d'autres ce qui engendre une distorsion fiscale globale dans l'économie. Cela pousse à s'interroger sur les critères économiques du choix des secteurs à taxer plutôt que d'autres», développe M. Effina. Partant de ces anomalies entourant le financement du FSHIU, les professionnels en viennent à questionner le maintien de ce fonds. Dans leur argumentaire, les opérateurs rappellent que la mise en place du FSHIU et par extension des taxes parafiscales sur les matériaux de construction depuis 2002, ont été dictés par l'urgence de traiter l'habitat insalubre qui avait atteint des proportions graves à l'époque. Mais les choses ont changé depuis, estime la FMC. En effet, le déficit en habitat a reculé de 60% entre 2002 et 2015 passant de plus de 1,2 million de logements à 500.000 unités. Aussi, le taux des bidonvilles en milieu urbain a baissé de 38% sur la période. A présent que l'on a paré au plus urgent, il faudrait, selon les opérateurs, revenir à des leviers de financement plus conventionnels. «Les problématiques économiques structurelles telles que l'habitat insalubre doivent être financées par des ressources budgétaires pérennes», tranche M. Effina. Comprendre par là qu'il faut revenir à un financement de la politique de l'habitat à travers le Budget général de l'Etat plutôt qu'au moyen d'un compte spécial du Trésor. Mais en face, il semble que l'Exécutif a une toute autre vision des choses. Le FSHIU, après avoir régulièrement gagné en envergure sur les dernières années (le fonds a engrangé 2,1 milliards DH de recettes en 2015 contre 138,2 MDH en 2003), devrait prendre encore plus de poids à l'avenir. Le Fonds de solidarité est aujourd'hui engagé à financer des projets de lutte contre l'habitat insalubre qui totalisent un montant de plus de 51,2 milliards DH, à comparer à 21,3 milliards DH mobilisés par le fonds depuis sa création. Avec de tels besoins, les industriels des matériaux de construction sont loin d'en avoir fini avec les taxes parafiscales. Tout porte plutôt à croire qu'ils pourraient en supporter de nouvelles à l'avenir.