Les spécialistes estiment qu'il y a encore de la marge pour une baisse du taux directeur, ce qui porte à croire que l'on n'en a pas encore fini avec la chute des taux du crédit. C'est une situation bien frustrante que vivent les banques. Alors qu'elles redoublent d'efforts commerciaux pour continuer de faire croître la distribution des crédits, sur un marché toujours bien morose, elles voient tout de même leurs revenus d'intérêts piquer du nez. Cela ressort nettement dans les états financiers publiés récemment par les établissements de la place au titre du premier semestre 2016. Les huit grandes banques commerciales ont, en tout, subi une baisse de leurs produits d'intérêts de plus de 5% sur la première moitié de 2016. Ceux-ci régressent ainsi de près d'un milliard DH en comparaison à la même période de l'année dernière, passant d'un peu plus de 16,6 à 15,7 milliards DH, en précisant bien que ces chiffres sont tirés des comptes sociaux qui reflètent les réalisations des banques sur leur cœur de métier (hors filiales) et exclusivement sur le marché national. Pourtant, les établissements ont réussi d'appréciables croissances de leurs créances sur la clientèle, eu égard à la conjoncture. L'encours de financements distribués à fin juin 2016 s'affiche en effet à près de 597,4 milliards DH, soit une hausse de plus de 1,7% par rapport à la même période de l'année passée. Cette progression recouvre même des performances remarquables notamment de la part d'Attijariwafa bank, qui fait croître ses financements de plus de 5,5%, à 173,4 milliards DH. Banque Populaire approche même les 6% de croissance avec un encours hissé à 92,6 milliards DH. Les banques tirent néanmoins moins de revenus sur les crédits distribués du fait de la baisse des taux du crédit qu'elles subissent. Celle-ci a été enclenchée il y a plus de deux ans avec l'abaissement du taux directeur en septembre 2014, lequel a connu 2 autres baisses en décembre 2014 et mars 2016. D'autres facteurs sont venus accélérer le mouvement, notamment l'amenuisement de la demande de financement qui pousse les banques à faire jouer au maximum le levier du taux pour capter à tout prix la clientèle et maintenir les parts de marché. Dans ce contexte, la moyenne des taux débiteurs est passée d'un peu plus de 6% à fin 2014 à 5,4% à fin juin dernier ainsi qu'il ressort des enquêtes trimestrielles de Bank Al-Maghrib en la matière. Dans le lot, les crédits immobiliers passent de 6,05 à 5,41%, soit un allégement de 64 points pour les demandeurs de financements. De même, le crédit à la consommation voit son tarif diminuer de 54 points passant de 7,17 à 6,63%. La cure de minceur forcée est encore plus prononcée pour les financements aux entreprises: les crédits à l'équipement voient leur taux passer de 6 à 4,91% et les crédits de trésorerie chutent de 6 à 5,24%. La mauvaise nouvelle pour les banques est que les spécialistes estiment qu'il y a encore de la marge pour une baisse du taux directeur, ce qui porte à croire que l'on n'en a pas encore fini avec la chute des taux du crédit. Mais il ne faut pas en déduire que les établissements en seront systématiquement pénalisés. D'abord, il faut noter qu'en dépit de la baisse des revenus d'intérêts, les banques ont pu préserver la hausse de leur produit net bancaire (qui englobe les marges dégagées sur l'ensemble des activités bancaires) au premier semestre. Cet indicateur augmente pour tout le secteur de 9,5% par rapport à la même période de l'année passée à 20,62 milliards DH. C'est que si les banques ont dû facturer moins cher leurs financements, dans le sillage de la baisse du taux directeur, cette même décision fait aussi qu'elles peuvent rémunérer moins généreusement les comptes d'épargne souscrits par la clientèle. Surtout, les banques ont pu atténuer l'effet de la baisse des taux du crédit par une expansion des produits de commissions qui représentent pour elles l'autre grande source de revenus. Celles-ci font un bond de près de 11% sur les 6 premiers mois de l'année, à 3,25 milliards DH. Il faut dire que plusieurs établissements ont revu à la hausse les tarifs de leurs commissions sur les derniers mois pour amortir le choc de la baisse des taux de financement. Les banques peuvent aussi compter sur les revenus de leur activité de marché, portés actuellement par un contexte favorable, pour retomber sur leurs pieds. Ceci sans compter encore les filiales à l'étranger qui permettent aux établissements qui en détiennent de compenser, dans une large mesure, les baisses de taux subies sur le marché national.