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Saïd Raji : «Une affaire très grave»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 06 - 12 - 2004

Directeur exécutif de l'Observatoire national des droits de l'Enfant (ONDE), Saïd Raji estime que le cas du tueur de Taroudant est un cas très grave et sans précédent.
Aujourd'hui Le Maroc : Le tueur de Taroudant est condamné à mort, que pensez-vous de son procès ?
Saïd Raji : Le cas du tueur de Taroudant ne se limite pas au Maroc. Ce genre de crime peut avoir lieu un peu partout dans le monde même dans les pays les plus développés. Et si vous insinuez qu'il y a eu par exemple une faille de procédure ou quelque chose
de semblable, je crois que cela aurait été relevé par des juristes
ou des organismes des droits de l'Homme. Le coupable a reconnu ses crimes, et il n'y a pas de preuve plus accablante. Et comme tous les tueurs en série, celui de Taroudant choisissait ses victimes parmi les êtres les plus vulnérables que sont les enfants.
D'où l'intérêt porté par l'ONDE à ce cas. L'agression sexuelle d'enfants est une infraction criminelle. Dans certains pays comme le Canada par exemple, le Code criminel et la Loi sur la preuve ont tous deux été modifiés pour mieux protéger les enfants.
En principe, il y a de fortes chances que les pédophiles reconnus ont été agressés sexuellement dans leur enfance. Ils ont tendance à agresser des enfants peu à près du même âge qu'ils avaient lorsqu'ils ont subi leurs premières agressions.
Dans quel but l'ONDE s'est porté partie civile dans le procès ?
Chaque fois qu'un enfant, où qu'il soit dans le Royaume est sujet à n'importe quelle forme de maltraitance (violence physique, abus sexuel etc…) l'ONDE s'implique immédiatement en prenant la défense de la victime. Non seulement l'Observatoire se porte partie civile, mais il suit le dossier jusqu'à l'aboutissement. Mais ceci quand la victime arrive à survivre à la mal maltraitance.
On assure un suivi médical, un suivi psychologique, en plus de la prise en charge totale de l'enfant victime jusqu'à ce qu'il soit totalement rétabli. L'Observatoire exige l'assistance médicale et le maximum pour protéger l'enfant. Malheureusement, le cas actuel sort de l'ordinaire. Les victimes du tueur de Taroudant ne sont plus de ce monde. Néanmoins, l'ONDE a désigné un avocat sur place à Agadir pour suivre le procès.
Qu'attendait donc l'ONDE du cas de Taroudant sachant comme vous l'avez dit que les victimes ne sont plus de ce monde ?
L'ONDE ne rechigne pas sur son devoir à savoir la protection de l'Enfance. Lors du procès de Taroudant, le tribunal a condamné le tueur à dédommager les familles des victimes. Mais il se trouve que les familles des victimes sont des adultes et par conséquent l'ONDE ne peut être concerné. Dans le cas échéant, ce sont d'autres organismes qui se chargeront de défendre les droits de ces familles. L'ONDE n'est concerné que par les enfants. Dans ce cas, même le coupable aurait suscité l'intérêt de l'ONDE s'il était mineur, et l'on se serait penché sur les contours de son cas. Lorsqu'un enfant agressé reçoit une aide professionnelle avant de témoigner en justice, ses déclarations sont plus susceptibles d'être claires et de refléter fidèlement le moment et les circonstances de l'agression.
Mais comme je vous l'ai expliqué, c'est un cas qui sort de l'ordinaire, les enfants victimes ne sont plus de ce monde, et le coupable est un adulte, qui plus est un tueur en série. Lorsque les enfants victimes d'un viol, ou d'une quelconque autre forme de maltraitance, l'ONDE assure le suivi même après le procès, sur tous les fronts que ce soit le côté juridique, le côté médical ou socio-psychologique. Le risque de traumatisme grave chez l'enfant est le plus élevé lorsque l'agresseur lui est familier. Les conséquences à long terme sont également plus graves lorsque l'agresseur a recours ou menace de recourir à la force en commettant son agression, ou qu'il y a de nombreuses agressions sur une longue période. Mais à Taroudant, nous ne pouvons plus rien pour les enfants qui sont déjà morts.


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