Après avoir décidé de ne pas se présenter à l'élection présidentielle au nom de l'unité palestinienne, Marouane Barghouti est revenu sur sa décision et annonce sa candidature à la dernière minute. Un revirement théâtral. Marouane Barghouti revient avec force aux devants de la scène palestinienne. Après avoir affirmé qu'il ne briguerait pas la succession d'Arafat pour éviter la division du Fatah et en même temps consolider les chances de Mahmoud Abbas jusque-là candidat unique du Mouvement, Barghouti vient de bouleverser toutes les prévisions. Les candidats à cette élection avaient jusqu'à mercredi à minuit pour se présenter. Quelque temps après la tombée de la nuit le jour du mercredi, Fadoua, l'épouse de Barghouti a déposé le dossier de candidature officielle de son mari auprès de la Commission électorale à Ramallah. Certes, Barghouti avait déjà annoncé sa candidature la semaine dernière, mais il avait fait marche arrière sous la pression de dirigeants du Fatah, inquiets des divisions au sein de leur mouvement que cette candidature pourrait entraîner. Le nouveau candidat a pris cette décision après avoir rencontré sa femme et deux hauts responsables palestiniens dans la prison israélienne où il est incarcéré pour des faits qu'il a toujours niés, ont précisé ses collaborateurs. Cependant, les raisons exactes de son nouveau revirement ne sont pas encore clairement connues. « Je l'ai officiellement fait enregistrer », a déclaré à la presse l'épouse de Marouane Barghouti, qui l'avait rencontrée dans la journée dans la prison israélienne où il purge cinq peines de prison à perpétuité pour son implication dans des violences anti-israéliennes. Les raisons de cette candidature soudaine, Barghouti les a levées dans un communiqué qui a été lu par sa femme. Ainsi, d'après le communiqué, il se présente « dans cette bataille démocratique pour parvenir à une paix basée sur la justice, la liberté, le retour des réfugiés palestiniens et la liberté pour nos prisonniers». En d'autres termes, ce sont les grandes lignes de la politique du nouveau candidat s'il parvient à la tête de l'Autorité palestinienne. Selon les services de Saïd Nimr, qui se trouve à la tête d'un comité visant à obtenir la libération de Marouane Barghouti, l'équipe de campagne du nouveau candidat a effectué un dépôt de garantie de 2.300 euros. Elle avait auparavant réuni les 5.000 signatures de soutien nécessaires. Du coup, c'est la confusion totale dans le champ politique palestinien déjà secoué par la décision du Hamas de boycotter le scrutin et celle du FPLP (Front de Libération de la Palestine) qui a décidé de ne présenter aucun candidat. Pour le comité central du Fatah, la nouvelle candidature constitue un «acte d'irresponsabilité politique » et Barghouti s'exclut de fait du mouvement. Ils estiment qu'en se présentant en tant qu'indépendant «Barghouti a renié son appartenance au Fatah». La direction du Mouvement s'est réunie pour discuter le cas Barghouti, sans prendre de décision formelle, selon Tayeb Abderrahim qui s'exprimait au nom du comité central avant d'ajouter que « S'éloigner de la décision des institutions du Fatah représente une agression contre le Fatah ». De son côté, Nabil Abou Roudaynah, l'un des proches conseillers de Feu Yasser Arafat a affirmé que « Le Fatah est uni et le restera. Cette décision est la décision personnelle d'une personne souhaitant être candidat. Mais le Fatah a choisi son candidat, Abou Mazen ». Il est clair que les cartes du scrutin sont désormais plus brouillées que jamais. L'un des chefs des Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa, Zakaria Zoubaydi adopte un ton plus ferme « Nous ne laisserons personne, quel qu'il soit, créer la division ou la scission du Fatah. Nous protégerons l'unité du Fatah par tous les moyens» a-t-il prévenu. Il n'en demeure pas moins que la réalité est là. Marouane Barghouti, 45 ans, membre de la «jeune garde » des dirigeants palestiniens, et ancien chef du Fatah pour la Cisjordanie, est l'homme politique palestinien le plus populaire selon de récents sondages. Il est doté d'un charisme devant lequel Mahmoud Abbas, 69 ans, représentant de la « vieille garde » rentrée d'exil en 1994 avec Yasser Arafat, ne ferait probablement pas le poids. En attendant, les autorités israéliennes qui observent ce nouveau rebondissement excluent toute libération de Barghouti, capturé en avril 2002 et condamné en juin 2004.