CDH: Le Bahreïn salue le rôle majeur du Maroc en matière de promotion des droits de l'Homme    Le Panama suspend ses relations diplomatiques avec la pseudo « rasd »    Un projet de décret portant suspension de la perception du droit d'importation applicable aux bovins et ovins domestiques approuvé    Le Conseil de gouvernement s'informe d'un accord de coopération dans le domaine militaire et d'une charte internationale    Agriculture, tourisme, enseignement supérieur : les nouvelles nominations annoncées    Inflation : l'IPC augmente de 0,7% en octobre (HCP)    Al Barid Bank et Guichet.com scellent un partenariat en faveur des jeunes Marocains    Cours des devises du vendredi 22 novembre 2024    Bank Of Africa lance sa nouvelle Filière Privée    RAM et la compagnie brésilienne GOL Linhas Aéreas concluent un accord de partage de codes    L'AMMC accorde son visa à CMGP Group pour son introduction en bourse    De Tétouan à Ibiza, 9 partisans de Daech arrêtés entre le Maroc et l'Espagne    Election de Donald Trump : Quand le virtuel s'impose dans les urnes    De nouvelles pièces de monnaie pour célébrer la prochaine réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris    Matt Gaetz, choisi par Trump secrétaire à la Justice, retire sa nomination    La situation au Moyen-Orient et les relations UE-Jordanie au centre d'entretiens entre Safadi et Borrell    Raja-Wydad: Un derby en mode silencieux ce soir !    Qualifs. CAN de Basketball 25 / Maroc - Soudan du Sud ce vendredi: Horaire? Chaîne?    Royal Air Maroc et GOL Linhas Aéreas concluent un accord de partage de codes    Températures prévues pour le samedi 23 novembre 2024    Les prévisions du vendredi 22 novembre    Challenge N°946 : Du 22 au 28 novembre 2024    Mandat d'arrêt du CPI contre Netanyahou. Au-delà de l'effet d'annonce    Casablanca accueille la première édition de « Darb Race »    Les enfants marocains plaident pour l'éducation, la santé mentale et la protection de la violence    Achraf Fayda. Un stratège pour redynamiser le tourisme marocain    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de loi relatif à la protection du patrimoine    Forces Royales Air: deux décès suite au crash d'un bimoteur    Raja vs Wydad / La CAA a pris la décision juste : Des arbitres marocains pour un match de championnat national !    Heavent Paris 2024 : MOGA Caparica sacré "Meilleur Festival du Sud de l'Europe"    Achraf Hakimi prolonge au PSG jusqu'en 2029 (L'équipe)    Tanger : Trois ans de prison pour les quatre mineurs ayant harcelé une fille    Casablanca : Trois fils de familles bourgeoises arrêtés pour une affaire de viol    Maroc 7,58 MDH d'amende pour Viatris, fusion entre Mylan et Pfizer    Bourita : L'approche Royale des droits de l'Homme s'appuie sur des fondements clairs et immuable    Sur Hautes Instructions du Roi, le Prince Héritier Moulay El Hassan reçoit à Casablanca le Président chinois    L'équipe du Maroc fait match nul avec l'Algérie 1-1    Une ouverture en fanfare    Nasser Shamma nous rend fiers d'être arabes et donc poètes    Le théâtre marocain, visions esthétiques et questions philosophiques    Le Maroc booste sa protection sociale avec l'aide directe    France : Une radio fermée suite à un « incident diplomatique » avec un député marocain    CAF Awards 2024: Le Maroc présent en force dans les nominations féminines    Sahara : Le plan d'autonomie repose sur le dialogue, le droit international et l'intérêt des populations, selon le parti au pouvoir au Brésil    Mise en avant du rôle du Maroc dans le renforcement de la souveraineté sanitaire africaine    Les températures attendues ce jeudi 21 novembre 2024    Manchester City prêt à poser 120 millions d'euros pour prolonger Haaland    Censure : le régime algérien accuse Kamel Daoud d'avoir dit la vérité sur la « décennie noire »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entre Salmane et Suleiman
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 11 - 10 - 2002

« Intervention divine », le film du Palestinien Elia Suleiman (Prix du Jury au dernier festival de Cannes), vient de sortir en France. Le jeune écrivain marocain Abdellah Taia l'a vu à Paris et a envoyé à ALM un article écrit dans ce style pétillant qui fait de chacun de ses textes un grand moment de plaisir.
Le Caire. Fin mai. Minuit. L'immense place d'Al-Ataba regorgeait encore de monde. La nuit n'effrayait pas les Cairotes ; bien au contraire, elle les excitait et les invitait à se jeter voluptueusement dans ses bras.
J'étais dans cet immense et incroyable marché, où l'on trouve de tout, pour acheter une petite valise. Je rentrais en France dans deux jours. Chez le marchand de sacs, je fis la connaissance de Salmane. Un Palestinien d'une trentaine d'années, grand, fort, un peu gros, et d'une gentillesse infinie. Très curieux aussi. C'est lui qui m'aborda le premier pour m'aider à choisir la bonne valise, puis à négocier son prix avec le vendeur. Il s'appelait Salmane, et non pas Slimane comme au Maroc. Il n'était pas seul, son petit frère de 10 ans l'accompagnait. « Nous sommes au Caire pour soigner notre grand frère. Les soldats israéliens lui ont tiré une balle dans le ventre. Et comme on connaît un Jordanien qui travaille dans un hôpital ici, nous avons préféré l'amener au Caire, c'est plus tranquille. Il a été sauvé ! Mon frère vivra ! Je l'ai appris cet après-midi.
Demain je rentre à Ghazza affronter de nouveau les soldats israéliens. ».
Juste avant de se quitter il m'annonça une autre bonne nouvelle. « Notre Elia Suleiman vient d'obtenir un prix au festival de Cannes pour son film “Intervention divine”. C'est merveilleux ! Tu le savais ?» J'étais au courant, mais pour lui faire plaisir, je fis semblant de ne pas le savoir. Et je le félicitai. « Mille mabroukes ! Je suis heureux pour la Palestine… et pour Elia Suleiman. Mille mabroukes ! » Mes félicitations le ravirent. Il se pencha sur moi, me prit dans ses bras et m'embrassa sur la tête trois fois. J'étais un peu surpris. Il était plus heureux, il souriait plus. Et ses yeux exprimaient de la fierté et du bonheur.
Il me quitta. Il logeait à Héliopolis et moi à Dokki. Il disparut très vite dans la foule nocturne du Caire. Je rentrai à mon appartement en pensant à lui, en rêvant sa vie, en méditant sur le sourire qui ne l'avait pas quitté tout au long de notre conversation.
Jamais de ma vie, je n'avais été aussi proche d'un Palestinien.
Bien sûr j'allais voir “Intervention divine” à sa sortie. Bien sûr Salmane serait avec moi ce jour-là. J'ai vu le film d'Elia Suleiman hier. C'est peu dire que je l'attendais avec impatience. “Intervention divine” a dépassé toutes mes attentes. C'est un film extraordinaire. Un des meilleurs de cette année.
Le film commence par une poursuite. Un Père Noël est poursuivi par quatre ou cinq jeunes qui veulent vraisemblablement lui voler ses cadeaux. Ils finiront par le poignarder. C'est la fin du rêve, de l'imaginaire ?
Pas du tout. Après le générique, on verra que ce Père Noël a été sauvé, il ne mourra pas malgré la folie qui l'entoure, lui et toute la ville de Nazareth où le film se déroule en grande partie.
Les gens de cette ville s'ennuient visiblement. Leur quotidien se répète inlassablement. Les tensions sourdes finissent toujours par exploser. Pour dénoncer l'occupation israélienne, Elia Suleiman a choisi l'impertinence et le ton décalé comme mode d'expression, comme style. Les Palestiniens étouffent : ils s'en prennent à eux-mêmes, ils se déchirent, ils s'insultent, se disputent, se font du mal. Leur amertume (une longue agonie) leur fait perdre la tête.
Elia Suleiman nous montre cette réalité quotidienne comme une suite de gags. Bien sûr, on rit. Un proverbe arabe le dit bien : l'excès de malheur provoque le rire. Ce proverbe sied bien à “Intervention divine”. Le réalisateur évite donc les pièges qu'un sujet aussi brûlant impose.
Cependant, malgré la douleur et les guerres internes, l'amour est encore possible. La seule question qui se pose alors : jusqu'à quand ?
Cette histoire d'amour, c'est E. S. (joué par Elia Suleiman lui-même) qui la vit avec une jeune et très belle femme de Ramallah (Manal Khader). N'ayant pas d'autres possibilités, ils se retrouvent très souvent au « parking » du chek-point entre Nazareth et Ramallah. Des rencontres bien silencieuses qui disent tout de la réalité de cette frontière. Ils regardent, et nous regardons avec eux. Tout. Pas de discours, ni de vaines indignations verbales. Et justement : le grand mérite de ce film est qu'il est presque muet. Elia Suleiman préfère plus manier les symboles que les dialogues. Ses très belles images (le cadre est la plupart du temps fixe) en sont pleines. Chez lui tout est question de rythme, de chorégraphie. Les personnages ne bougent pas, ils dansent, ils ne parlent (presque) pas, ils chantent… avec leurs yeux.
D'où la poésie qui enveloppe le film d'un bout à l'autre. “Intervention divine” est un film poétique, jubilatoire. Il ne ressemble à rien de connu (les critiques français y ont vu des influences de Jacques Tati et de Buster Keaton). Il surprend en permanence, attendrit très souvent. Sa critique qui n'emprunte pas les voies habituelles n'en est que plus tonique. Après le très beau “Chronique d'une disparition”, Elia Suleiman confirme les espoirs placés en lui. Il est incontestablement un grand cinéaste.
Quant à Salmane, celui du Caire, je ne sais pas s'il a pu le voir. Hier, pendant toute la projection, il était dans mes pensées, dans mes yeux, autour de mes lèvres.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.