On s'apprête à fêter en grande pompe un peu partout dans le monde le centenaire de la mort d'Emile Zola. Difficile de parler du père du naturalisme dans un article journalistique. Savez-vous que Zola a perdu 50 kg pour l'amour d'une femme ? Savez-vous que Zola n'était pas un fort en thème ? Il a raté deux fois de suite son bac, avant d'abandonner ses études en 1959 pour gratter du papier contre une misère aux docks. Savez-vous que Zola était un formidable journaliste, un chroniqueur politique, artistique et littéraire ? Il s'est servi du journalisme comme d'un marchepied à la littérature. Le principe de la description dramatisée, c'est dans le journalisme qu'il l'a développé. Il donne de la tension à une chose vue, lui confère autant de caractère qu'à un personnage. Il établit une harmonie entre une habitation et son occupant, de façon à la rendre conforme à un appendice, à une coquille. Savez-vous que Zola a fait de la politique en tant que chroniqueur parlementaire à Bordeaux ? Il a vite compris que ce n'est pas pour lui. Le spectacle de la médiocrité parlementaire lui a donné une méfiance durable de la politique, «ce terrain sur lequel les inutiles, les impuissants, les vaincus, se donnent rendez-vous pour monter à l'assaut du succès...» Savez-vous que Zola a trouvé dans l'hérédité le fil conducteur des tomes de son œuvre monumentale : «Les Rougon-Macquart» ? La matrice de cette «histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire» est une formidable combinatoire bio-littéraire. Sur cinq générations, les personnages principaux de ses romans sont unifiés par deux familles : une branche légitime (les Rougon) et une branche bâtarde (les Macquart). Savez-vous que les thèses qui ont fait la réputation de Michel Houellebecq dans «Les particules élémentaires» ont constitué la base des romans de Zola ? La génétique aujourd'hui, l'hérédité hier. De ce point de vue-là, Houellebecq n'apporte rien que l'on ne savait déjà en lisant Zola. Savez-vous que Zola est l'un des auteurs les plus adaptés au cinéma? Très rares sont les romans de cet auteur qui n'ont pas fait l'objet d'un traitement cinématographique. Savez-vous que Zola est le premier critique d'art qui a défendu les peintures de Manet ? L'importance de la peinture est d'ailleurs considérable dans son œuvre. Certaines pages de ses romans se regardent autant qu'elles se lisent. Le peintre Degas, contemporain de Zola, exploite souvent des thèmes chers à l'écrivain : des blanchisseuses, des repasseuses. Plusieurs passages dans «l'Assommoir» ressemblent à des commentaires de Degas, à moins que ce ne soit Degas qui s'en soit inspiré dans ses peintures. Savez-vous que l'un des plus beaux romans de Zola a pour protagoniste un peintre ? «L'œuvre» s'achève sur le suicide du peintre raté, en qui Paul Cézanne, l'ami d'enfance de l'écrivain, a cru se reconnaître. Savez-vous que cette mise en scène de Cézanne a coûté un ami à l'écrivain ? Le peintre des pommes n'acceptera plus de le revoir. Savez-vous que l'un des titres les plus célèbres de Zola n'a pas été trouvé par l'écrivain ? Le fameux «j'accuse» est une trouvaille du directeur d'un journal. Ce texte a valu à l'écrivain la haine des anti-dreyfusards. Il l'a obligé à s'exiler en Angleterre. Savez-vous que la mort de Zola demeure un mystère ? Il est mort asphyxié dans la nuit du 28 au 29 septembre 1902, probablement victime des ligues antisémites, qui ne lui ont pas pardonné d'avoir provoqué la révision du procès de Dreyfus. Le meilleur spécialiste de Zola dans le monde, Henri Mitterand, commente cette mort ainsi : «Dans la nuit, Alexandrine (la femme de l'écrivain) et Emile Zola sont incommodés. Alexandrine reste évanouie sur le lit. Zola a voulu se lever, ouvrir la fenêtre : il s'affaisse à terre. L'oxyde de carbone, qui stagne sur le parquet, plus lourd que l'air, a fait son œuvre». «L'attentat paraît probable mais sans la certitude de l'évidence», conclut Henri Mitterand. Alexandrine a survécu à l'écrivain jusqu'en 1925.