La conférence internationale sur l'Irak, qui s'est achevée mardi à Charm el-Cheikh, a été beaucoup plus concentrée sur la solidarité avec le gouvernement intérimaire que sur le devenir du pays. Deux jours de réunions avec la participation des représentants de vingt pays, dont six Etats voisins de l'Irak, du G8, de l'Union européenne, de l'ONU, de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), pour reconnaître la nécessité de contribuer à la reconstruction de l'Irak et condamner «tous les actes de terrorisme», les enlèvements et les assassinats de civils irakiens ou étrangers. C'est ce qui émane du communiqué final diffusé par les participants à la conférence de Charm el-Cheikh. Ils ont également exhorté le gouvernement intérimaire irakien à observer plus de fermeté et de détermination face au terrorisme et appelé toutes les parties à éviter un usage excessif de la force et à faire preuve de retenue pour éviter de toucher les civils. Un appel a également été lancé par les conférenciers à tous les pays pour empêcher l'armement, le financement et le transit des terroristes, et les pays voisins à contrôler leurs frontières avec l'Irak. Les participants ont souligné, dans le communiqué final, que le mandat de la coalition dirigée par les Etats-Unis en Irak n'est pas «sans limite de durée» et que la communauté internationale doit continuer à aider l'Irak à préparer ses forces de sécurité à prendre le relais. Cependant, ils n'ont pas fixé de date limite au retrait des forces étrangères en dépit des pressions de la France et de certains pays arabes. Ils ont fait état de la nécessité d'intégrer le maximum de partis pacifiques dans le processus politique irakien et exhortent le gouvernement intérimaire à tenir une réunion des formations politiques irakiennes avant les élections du 30 janvier. Le communiqué souligne par ailleurs, le «rôle prépondérant» des Nations unies pour aider à préparer les élections et à parvenir à un consensus pour rédiger une nouvelle Constitution. En d'autres termes, les critiques contre l'Administration de Bush et les débats sur l'intervention américaine, comme le prévoyaient les observateurs, ont été laissés de côté. Les temps sont apparemment au soutien total du gouvernement d'Iyad Allaoui. D'ailleurs le communiqué en soi n'est qu'une sorte de message de soutien au gouvernement intérimaire. Comme satisfait de l'aboutissement de la conférence, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hochyar Zibari, a souligné l'engagement de son gouvernement à organiser le «premier» scrutin «libre et juste» de l'histoire du pays. Dans ce contexte, les participants ont exhorté les autorités intérimaires à réunir, au préalable, les formations politiques irakiennes pour encourager une large participation. Lors d'un point de presse à Oran (Algérie) précédant la rencontre du dialogue des «5+5», le ministre français des AE, qui venait de Charm el-Cheikh, a affirmé mercredi que l'Union européenne était «disposée à contribuer» aux élections irakiennes. Des élections qu'il considère comme «possibles mais difficiles». Michel Barnier a souligné que dans ce pays, «la situation est instable et qu'il faut donc aller vers moins de violence et faire de ce scrutin un processus transparent et impartial». Il a par ailleurs appelé le gouvernement irakien à tendre la main à toutes les forces politiques, notamment celles qui renoncent à la violence. Sur le terrain en Irak, la situation n'est guère de bon présage. Le premier convoi d'aide humanitaire envoyé à Falloujah par une organisation indépendante a découvert une ville fantôme, détruite et presque entièrement désertée. Les volontaires ont seulement aidé quelques civils à contacter leurs proches. La garde civile irakienne a affirmé à cette organisation non gouvernementale (ONG) qu'il ne restait pas plus de 100 familles de civils dans la ville, habitée normalement par 300.000 personnes, a expliqué à l'Associated Press le directeur du Croissant-rouge irakien Saïd Ismail Al-Haqqi. Les raids dans des maisons, la détention de femmes et l'humiliation d'hommes devant épouse et enfants suscitent un sentiment de rage. La récente offensive militaire à Falloujah a donné lieu, quant à elle, à tout un éventail d'accusations redoutables. Si l'on en croit des habitants fuyant la ville sunnite, les Américains ont dégradé des mosquées, abattu des minarets pour empêcher les insurgés de tirer depuis ces édifices, et se sont rendus coupables d'autres dévastations. Difficile de dire que les élections prévues pour la fin de janvier se dérouleront selon les présages de la conférence de Charm el-Cheikh.