«A l'époque, il n'y avait pas d'engouement pour la musique engagée. On me prenait pour une complexée et dépressive parce que je chantais la réalité…». Elle a quitté le Maroc il y a près de 20 ans à la quête de meilleurs horizons à une époque où elle se disait «victime d'exclusion indirecte mais ciblée». Là voilà qu'elle opère aujourd'hui un retour prodigieux sur l'une des grandes scènes qu'offre le Royaume, celle du Festival Mawazine Rythmes du monde. Fidèle à sa signature engagée et insurgée toujours, Saida Fikri a offert, pour la soirée du samedi 22 mai à Salé, un concert qui ne sera certainement pas sans marquer le come-back de l'interprète de l'indétrônable «Jbal Rif». C'est sur la belle scène de Salé que Saida Fikri a swingué du rock au jazz passant par du blues, de la pop, du country et même du reggae. Ceux qui l'ont connue à ses débuts dans les années 90 ne tarderont pas à découvrir que notre star nationale n'a certainement pas changé. Il n'en est toutefois pas de même pour Saida Fikri. Celle-ci a confié dans une conférence de presse tenue en marge du Festival qu'elle n'est plus « la dépressive » qu'elle était aux yeux de son public il y a des années de cela. «A l'époque, il n'y avait pas d'engouement pour la musique engagée. On me prenait pour une complexée et dépressive parce que je chantais la réalité et l'on ne comprenait pas comment je pouvais tourner des clips dans un look sobre, celui de tous les jours. Sans artifices. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le pays a grandement gagné en courage et maturité». Une jeunesse consciente et réceptive a rejoint la foule des nostalgiques venus retrouver Saida Fikri. Sans déception aucune, celle qui a plié bagage pour les Etats-Unis en 1997 a tout naturellement embrassé la scène marocaine, nous rappelant ces beaux morceaux qui ont marqué l'enfance et la jeunesse de plus d'un. Cette même jeunesse, la star s'est donné la promesse de la soutenir en invitant sur scène un talent marocain prometteur. Il s'agit d'Abdessamad Maitoul. Alias Samadoss. Celui-ci est tout aussi insurgé qu'elle. Il a accompagné Saida Fikri sur un morceau amazigh avec un fort et poignant texte mettant à nu les inégalités sociales dont plusieurs sont victimes. A ce titre, et dans une déclaration à ALM, Saida Fikri confie que des aberrations comme celles du projet de loi relatif au travail des petites bonnes, et qui fixe l'âge légal de travail à 16 ans, sont loin de la laisser indifférentes. «Ce sont des questions sur lesquelles il ne faut pas céder. Il faut être rigoureux dans le traitement de dossiers pareils», avait-elle déclaré avant d'annoncer qu'un morceau intitulé «Mansoura» sortira bientôt pour raconter le calvaire de ces petites bonnes, dont l'enfance leur a été très tôt arrachée. Concernant sa carrière d'artiste, Saïda Fikri juge que sa carrière a eu un autre élan après son expatriation aux Etats-Unis. Elle estime également que ce sont les Marocains qui ont fait d'elle la star internationale qu'elle est aujourd'hui. Parallèlement au concert de Saïda Fikri qui, rappelons-le, s'est produit en 2011 à Mawazine en compagnie de Nass El Guiwane, la magie de la musique a recouvert la scène de Bouregreg où le mythique bassiste américain Marcus Miller a tenu la foule en haleine pour plus de deux heures de belles ondes. Lui reconnaissant un engouement pour le hajhouj , ce génie récompensé par deux Grammy Awards a surpris le public et lui a offert un grand moment artistique en invitant sur scène Maâlem Hamid Kasri et Maalem Marchane pour une fusion hors norme.