Une femme de Casablance a tué son frère, quadragénaire et père de deux enfants. Ivrogne invétéré, celui-ci n'arrêtait pas de se moquer de sa sœur qui avait perdu ses cheveux à la suite d'une brûlure. Un acte incompréhensible Mardi 16 novembre 2004. Un appel téléphonique a été reçu vers 15h30mn par la salle de trafic de la préfecture de police de Casablanca. “Un crime a eu lieu à la rue Essanawbar“, alerte l'interlocuteur. Sans perdre de temps, les instructions ont été données aux éléments de la treizième section judiciaire de la brigade urbaine de Casablanca-Anfa pour se dépêcher sur les lieux. En quelques minutes, les limiers sont arrivés à la rue Essanawbar, donnant sur la rue Mustapha El Maâni, au centre-ville de Casablanca. Au n° 9, dans un immeuble de quatre étages, habite la famille Akkoze, originaire de Tafraoute. Elle occupe tous les appartements. Le père Hachem, commerçant de son état, dispose entre autres, d'une boutique d'ameublement située à la rue Mustapha Maâni. Il avait acheté ce commerce depuis longtemps et l'avait consacré entièrement aux membres de sa famille, composée, outre la mère, de cinq enfants, leurs maris et épouses et leurs enfants. “Qu'est-il arrivé à ton époux et où est-il maintenant ?“, demande le chef de la section judiciaire à l'épouse de Hassan. Âgée de trente-quatre ans et mère de deux enfants, Fatima a répondu qu'elle l'avait conduit, à bord d'une voiture et avec le soutien d'un chauffeur et d'un ouvrier de son beau-père, vers les urgences de l'hôpital Ibn Rochd. “Que lui est-il arrivé ?“. Hassan, quarante-sept ans, sans profession, est mort, affirme la femme qui ne manifestait apparemment aucun signe de tristesse. Des éléments de la 13ème section judiciaire se sont rendus à la morgue. Le constat du cadavre leur a permis de remarquer une blessure importante au niveau de l'épaule. Le médecin légiste leur a expliqué qu'il aurait été blessé par un objet qui lui a touché gravement le poumon. Retournant à l'immeuble familial, ils ont commencé à interroger les membres de la famille. Aucune déclaration ne les a mis sur une piste pouvant mener à l'auteur du crime. Fatima leur a affirmé que son époux avait regagné la maison avec sa blessure qui laissait échapper du sang. Ses frères et sœurs ont déclaré n'avoir rien vu et avoir seulement remarqué qu'il était blessé. Son père, octogénaire, qui était couché dans sa chambre au quatrième étage a affirmé n'avoir rien vu, ni remarqué. “Faites votre travail“, leur a-t-il demandé. Il n'avait l'air ni triste, ni accablé. Ses yeux étaient secs. Un état qui a mis la puce à l'oreille des limiers. Comment un père et une épouse frappés d'un deuil aussi grave peuvent-ils être aussi impassibles ? Inconcevable. Le chef de la brigade urbaine a rejoint ses limiers. Il n'arrive pas à croire qu'une famille qui a perdu un fils soit aussi calme. Il a examiné l'escalier, marche par marche. Il n'a remarqué aucune goutte de sang. C'est là qu'il a eu la puce à l'oreille. Comment un blessé qui a monté et descendu ces marches avec une grande blessure ne laisse pas la moindre goutte de sang ? “Interroge cette fillette“, demande-t-il au chef de la 13ème section judiciaire. Ce dernier s'est tourné vers Jamila, sept ans, fille du défunt. Il lui a demandé ce qu'elle avait remarqué. “Mon père se disputait avec ma tante“, répondit-elle avec l'innocence de son âge. D'une question à l'autre, les limiers sont convaincus que le crime a été perpétré à l'intérieur de l'immeuble. Bref, leurs soupçons se son portés sur la famille. Soit sa femme, soit sa sœur. Pourquoi ? L'enquête a révélé que Hassan était un ivrogne, qui buvait quotidiennement, sans discontinuer au point qu'il perdait tout contrôle et tout équilibre. Au fil des mois et des années, il a complètement délaissé sa femme, avec laquelle, il avait eu deux enfants. Celle-ci a entretenu une relation avec un bijoutier, qui lui rendait visite pratiquement sans contrainte et sans que personne ne s'y oppose. L'enquête a révélé également que Hassan était toujours en querelle avec sa sœur, Khadija, quarante-cinq ans, mère d'un enfant. Séparée de son époux, sans qu'ils soient divorcés, Khadija avait subi une brûlure au niveau de la tête au point qu'une partie de sa chevelure a disparu. Elle est devenue chauve. Depuis, Hassan n'hésitait pas à l'insulter en la qualifiant de chauve en amazigne : “Tamjjoute”. Cette insulte l'irritait. Mais il ne semble que ce soit une raison pour inciter sa sœur à le liquider, pensent les limiers. Et pourtant, ils ont conduit les deux femmes au commissariat de police. Mettant chacune dans un bureau, devant des policiers, ils ont mis directement en cause sa femme, Fatima. Une ruse qui a donné ses fruits. Craignant d'être arrêtée, elle a craché le morceau. “C'est ma belle-sœur, Khadija, qui l'a tué“. Comment et pourquoi ? Hassan était dans un état d'ivresse avancé quand il a mis les pieds au seuil de l'immeuble. En gravant les marches, il a commencé à insulter sa sœur, Khadija, en la qualifiant, comme à l'accoutumée, de “Tamjjoute“ (La chauve). Hors d'elle, Khadija est sortie de son appartement, du deuxième étage, portant un crochet à tricoter. Elle a attendu qu'il arrive à sa hauteur pour lui asséner un coup violent juste au-dessous de son épaule. Hassan est tombé à terre en gémissant. Sa femme l'a fait rentrer chez elle pour appeler son beau-père. Ce dernier a menacé de la chasser de l'appartement si elle divulguait l'identité de l'auteur de la blessure. Craignant ces menaces, elle a choisi de garder le mutisme. Vers1h du matin, mercredi 17 novembre, le chef de la brigade urbaine et les limiers de la 13ème section judiciaire de Casablanca-Anfa étaient encore à leurs bureaux. L'important pour eux est d'élucider l'affaire. Le matin du vendredi 19 novembre, Khadija a été déférée devant le parquet général près la Cour d'appel de Casablanca poursuivie pour coups et blessures à l'arme blanche ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner, alors que l'épouse du défunt, elle, a été accusée d'adultère. Son amant, le bijoutier, est actuellement recherché.