Le bras de fer ayant opposé le gouvernement aux enseignants stagiaires a, semble-t-il, tourné à l'avantage de ceux-ci. Voilà ce qui peut être considéré comme un vrai «ouf» de soulagement pour les enseignants stagiaires. Ceux-ci ont su finalement avoir gain de cause, après cinq longs mois de grève, de boycott des Centres régionaux d'éducation et de formation (CREF), de manifestations non autorisées et de déchaînements des autorités à leur égard. L'accord auquel a abouti la réunion d'une cellule de crise mercredi dernier, après plus de quatre heures de dialogue, est-il réellement en leur faveur ? En quoi consiste-t-il et à quel point peut-on le considérer comme un accomplissement? Voici les réponses. La tension montait à l'idée que les enseignants stagiaires maintiendraient leur manifestation prévue jeudi 14 avril. Devant leur détermination à tenir tête au gouvernement, les répressions vis-à-vis des manifestations se poursuivaient mettant à mal les autorités. Celles-ci ont même interdit aux futurs enseignants tout déplacement collectif ou individuel à Rabat par le biais d'une circulaire émanant de l'Intérieur, appuyée par un communiqué du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. C'est seulement à la veille de la date fixée pour leur manifestation que la décision de sa suspension tombe. Le tant attendu compromis entre le gouvernement et les représentants des enseignants stagiaires semble être enfin atteint à l'issue d'une réunion mixte tenue mercredi au siège de la wilaya de Rabat-Salé-Kénitra. «Il a été convenu de la formation à partir de jeudi d'une commission mixte qui aura pour mission la mise en œuvre de la plate-forme adoptée sur la base du recrutement de la promotion dans son intégralité», peut-on lire sur le procès-verbal de cet échange. A noter dans ce sens que la commission en question sera composée de représentants du ministère de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, du ministère de l'économie et des finances, du ministère de la fonction publique et de la modernisation des secteurs publics, ainsi que de représentants des six syndicats de l'enseignement, de l'initiative civile et des enseignants stagiaires. Pour leur part, les enseignants stagiaires rejoindront leurs classes. Leur formation théorique se déroulera dans les trois mois restants de l'année scolaire, à savoir mai, juin et juillet 2016, tandis que la poursuite de formation pratique s'étalera de septembre à novembre 2016. Ceci avant la tenue de l'examen de fin de formation en décembre 2016. Qu'auront-ils en échange ? Contrairement à ce que craignait l'opinion publique, l'année de formation 2015-2016 n'est donc pas biaisée. Ces enseignants stagiaires passeront un concours de recrutement prévu, en principe, pour janvier 2017. Si l'on se base sur un communiqué diffusé à cet effet, «ce concours sera suivi immédiatement de l'affectation des enseignants à leurs postes dans un délai ne dépassant pas le 1er février 2017». Il y a lieu de dire que le concours de recrutement n'en serait pas vraiment un puisque la promotion sera recrutée dans son ensemble, et en une seule vague. Autrement dit, si cet accord aboutit, les 7.000 postes prévus par la loi de Finances pour l'année 2016-2017 seront suspendus pour n'être créés que pour la prochaine rentrée. Le deal serait d'embaucher donc, au final, les 1.000 enseignants en formation. Contacté à ce sujet, Salaheddine Lemaizi, militant d'ATTAC Maroc, une ONG faisant partie de la coalition en soutien aux instituteurs, considère que ce compromis est une victoire sociale. «Certes, les détails de l'accord entre le gouvernement et les instituteurs en formation restent à préciser, mais il demeure que c'est une nouvelle victoire contre les politiques anti-sociales de l'actuel gouvernement», avait-il indiqué en faisant allusion à d'autres luttes sociales ayant abouti telles celles des étudiants en médecine et celle des habitants du Nord face à une société délégataire ; Amendis. Cette même source rappelle au passage que ces futurs instituteurs sont victimes de nombreuses violations de leurs droits. Salaheddine Lemaizi indique toutefois qu'il y a lieu de se réjouir car, «nous venons presque de sauver la prochaine rentrée scolaire». Il regrette cependant le temps qu'il a fallu pour arriver à un début de dénouement de l'affaire : «A cause de l'entêtement du chef de gouvernement, ce dossier traîne depuis cinq mois et autant de temps de formation perdu pour les futurs instituteurs. Sans un accord, la rentrée 2016-2017 aurait été une catastrophe pour l'école publique car chaque année les départs à la retraite des instituteurs s'intensifient. C'est une première victoire dans le combat pour une école publique gratuite et de qualité», conclut-il. Un compromis qui laisse tout de même un arrière-goût amer et plusieurs questions en suspens. S'il ne concernerait que cette promotion, qu'en sera-t-il de celles futures ? Les postes promis pour 2017 seraient-ils sans conséquences pour la prochaine promotion des enseignants ? Y aura-t-il une évaluation des répercussions accusées par plus de cinq mois perdus de formation ? Autant d'interrogations auxquelles les réponses n'ont toujours pas été formulées.