Entretien avec Mikael Naciri, directeur général du Centre monétique interbancaire ALM : Pouvez-vous nous donner un aperçu sur les réalisations de l'activité des paiements par carte bancaire en ligne en 2015 ? Mikael Naciri : Je pense qu'en 2015 les chiffres étaient assez parlants. En effet, durant l'année, le nombre de transactions global a atteint 2,5 millions, pour un volume de 1,3 milliard de dirhams et les paiements par cartes marocaines sont prédominants avec 2,3 millions en nombre, soit un montant de 1,2 milliard de dirhams. Pour leur part, les transactions électroniques effectuées par cartes étrangères se sont établies à 96.000 en nombre, équivalents à 130 millions de dirhams et sont concentrées principalement sur les hôtels avec une part de 42%, la location de voitures avec 12% et quelques autres transactions liées aux paiements des mensualités des écoles, missions et autres. S'agissant du montant traité sur le plan domestique, il est accaparé essentiellement par les facturiers dont les 3 opérateurs télécoms permettent aussi bien le règlement des factures que des recharges téléphoniques. Ensuite, viennent les distributeurs d'eau et d'électricité qui sont talonnés directement par les compagnies aériennes dont notamment RAM, Air France et Air Arabia. Sur ce dernier mois, nous remarquons de plus en plus d'achats de billets de la part de ressortissants africains, soit à partir de la France ou de leurs pays d'origine. En tout cas, ces 3 grandes rubriques constituent 81,3% du volume d'affaires lié au e-commerce l'année dernière. Qu'est-ce qui a changé dans les habitudes d'achat des Marocains? Les habitudes de paiement changent avec l'évolution des cultures, de l'usage des smartphones... et de l'arrivée d'une nouvelle génération d'utilisateurs «digitaux». En ce sens, une réelle dynamique est constatée sur Internet, favorisant du coup l'arrivée de nouveaux porteurs de cartes et qui font de plus en plus confiance au paiement en ligne. Il faut dire aussi que cette tendance a été alimentée grâce aux efforts fournis par certains e-commerçants pour communiquer, développer leurs offres et attirer davantage de clientèle. Ainsi, les sites actifs se sont digitalisés. A part quelques sites qui communiquent à travers l'affichage ou les supports de presse, tous les autres misent sur le digital et arrivent donc à toucher les millions d'internautes marocains. A ce niveau, je peux vous dire que c'est toute la structure du e-commerce qui a changé au Maroc. Il y a 3 ans, ce sont les sites de deals qui prédominaient les transactions. Mais ce marché s'est rapidement essoufflé, et ce pour plusieurs raisons telles que le non-respect par les fournisseurs des conditions de vente telles qu'elles sont définies dans leur relation avec les e-commerçants. Cela d'un côté. D'un autre, les consommateurs se sont rapidement rendu compte que l'opportunité n'y était pas vraiment puisqu'ils pouvaient obtenir le prix du deal directement auprès du magasin lui-même. Du coup, l'opportunité qui était vendue comme étant le petit plus du site de deal ne faisait plus le fort des e-dealers. Selon vous, quel est le segment qui monte en puissance? D'après nos constats, c'est le e-gov qui commence à prendre de l'ampleur grâce au paiement des taxes, des amendes pour le radar fixe, et dans une moindre mesure des opérations de dédouanement. Actuellement, le site de la Trésorerie générale du Royaume (TGR) sur lequel le citoyen peut payer ses taxes d'édilité et urbaine et ses amendes a affiché une progression de 30% en volume. Parallèlement, l'opération de paiement de la vignette début 2016 a été une grande réussite. L'Etat a pu engranger 15% de plus que l'année dernière, tout en réduisant ses coûts opérationnels. Je fais allusion aux 2 millions de macarons produits chaque année, ou encore aux 1.500 personnes mobilisées au niveau des points de paiement de la Direction générale des impôts (DGI). Comment les banques de la place accompagnent-elles ces mutations? Au début, les banques ont accompagné cette évolution pour des raisons de méfiance exprimées par leurs clients. En ce sens, certaines banques ont dû mettre à la disposition de leurs clients des cartes rechargeables dédiées exclusivement au paiement par Internet, que ce soit sur les sites marocains ou étrangers, pour ainsi répondre au mieux à cette crainte qu'avaient les porteurs de cartes de les utiliser pour leurs achats en ligne. Aujourd'hui, ces cartes sont toujours commercialisées pour les clients les plus frileux, mais la tendance est à la proposition de cartes multiservices, qui permettent de payer à la fois en face-à-face, chez le commerçant, sur Internet au Maroc et à l'étranger, dans le respect de la dotation allouée pour chaque type de transactions. Et aujourd'hui, on peut affirmer que les systèmes informatiques des banques sont parfaitement équipés pour faire la différence entre les différentes transactions et dotations (achat, dotation touristique, achat Internet, voyage d'affaires...).