L'alliance des principaux partis de la majorité semble avoir épuisé ses ressources et sa raison d'être. Les deux formations aspirent à s'affranchir des entraves de la transition consensuelle. Chaque parti fait cavalier seul pour les législatives et espère amener un des siens à la Primature. En attendant, les candidats labourent leurs cirsconscriptions sans que personne ne défende le bilan commun de cinq années de co-gestion. Quel type d'alliance possible pour demain ? Les électeurs trancheront dans le secret de l'isoloir. Les deux partis issus du mouvement national, l'USFP et l'Istiqlal, ont raison de croire que leur avenir se dessine aujourd'hui avec les échéances législatives. La transparence électorale, acquise pour l'un et douteuse pour l'autre, est avancée comme moyen de définir le poids de chacune des deux formations. Une question de leadership en l'air. Cependant, les critiques mutuelles sont exprimées, ici et là. Parfois sans fard. Le Parti d'Abbas El Fassi reproche publiquement au gouvernement Youssoufi de n'avoir rien concrétisé, rejoignant ainsi le discours de l'ex-majorité évincée de l'Exécutif. L'USFP, lui, reproche de crier avec les anciens loups, de se dérober et de ne pas assumer le bilan du gouvernement de l'alternance auquel l'Istiqlal a participé. Abbas El Fassi ne mâche plus ses mots, à la veille des élections. Bien avant, il avait commencé l'exercice de démarcation vis-à-vis d'Abderrahmane Youssoufi. A moitié mots. Aujourd'hui, il crie sur tous les toits la mollesse de l'équipe gouvernementale et du chef d'orchestre, jugé très gentil mais inapte à diriger l'Exécutif et à opérer des actions en profondeur. On aurait pu dire qu'une telle appréciation est de bonne guerre, si elle se limitait à quelques critiques précises. Mais, les choses évoluent et les coups bas sont permis... l'USFP, de son côté, estime que le S.G du PI est allé trop loin. La formation istiqlalienne est accusée d'entrisme gouvernemental, destiné à déstabiliser l'Ittihad et de lui ravir la vedette aux Législatives. Certains dirigeants ittihadis vont jusqu'à le taxer de nihiliste et de double jeu. L'ambiguité du langage istiqlalien sur les rapports avec les islamistes, le manque de réaction sur la fameuse phrase de S.M. le Roi, lors du discours du 20 août, sur le fait qu'il n'y a «pas de démocratie pour les non-démocrates» leur font dire que l'Istiqlal aurait changé de stratégie politique et d'alliances. Ce dernier s'en défend et croit toujours à une possible réconcilation gouvernementale…. Sous sa houlette. Les deux protagonistes sont loin des sentiments ayant prévalu lors des années de gloire du Bloc démocratique. La Koutla, dans sa composition initiale, c'est l'avis général, a fini sa mission. Elle a permis l'alternance consensuelle. L'Istiqlal semble l'avoir bien compris mais voudrait la faire renaître de ses cendres. Sous sa tutelle.. Mais il ne prend pas d'initiative, ne tâte pas, n'explore pas et reste les yeux rivés, pour le moment, sur sa force électorale. Il renvoit, comme le Parti de la justice et de la démocratie (PJD-islamistes), les alliances à l'après législatives. Il est donc clair que les coalitions obéiront plus à des rapports de force qu'à des principes de projets politiques communs. D'ailleurs, les observateurs ont noté la réponse du berger à la bergère faite par l'USFP, qui a réuni ses autres alliés au gouvenement (PPS, PSD, FFD) pour prévenir l'avenir. L'heure est à la clarification idéologique, surtout après les divorces au sein de la formation de Youssoufi et le mariage avec la social démocratie, qui n'est plus caché. La logique veut que tout mariage peut un jour se terminer, quand les voies s'entrecoupent et que le cadre «familial » n'est plus perçu de la même manière. La vie continue autrement, sous un autre toit, l'essentiel est que chacun trouve son bonheur. La Koutla réunissait des composantes à idéologies différentes. Parfois incompatibles, même si trois de ses segments sont issus de la même famille. L'expérience des années 90 a montré que l'on ne choisit pas ses frères, contrairement aux compagnons de lutte. Aujourd'hui, chacun semble choisir, librement, ses destinées. Le PPS est plus proche du PSD, alors que l'OADP a retrouvé sa seconde nature et fait cause commune avec l'extême gauche. Mais la coalition de l'ex-opposition n'a pas accompli sa mission totalement. Elle n'est pas arrivée à assurer, numériquement, une majorité confortable qui lui permettrait de gérer les affaires du pays. Elle a fait appel à des formations du «centre». Ces denières, RNI et MNP, font désormais partie de l'équation gouvernementale. Elles seraient à mi-chemin entre les deux grands rivaux, l'USFP et l'Istiqlal. Plus proches de ce dernier mais convoitées par les deux… Une grande recomposition en perspective attend le champ et l'échiquier politique. Le parti qui en tirerait plus profit serait, logiquement, celui qui fera le jeu de la franchise et de la transparence. La réhabilitation de l'action et de l'engagement politique en dépend, dans une grande mesure. Car, à défaut d'audace et de visibilité, les retardataires auront un lourd tribut à payer.