La nomination du directeur d'une bibliothèque a failli tourner à l'affrontement entre le conseil de l'arrondissement des Roches Noires et la mairie de Casablanca. Ce bras de fer est emblématique de la tension qui accompagne l'application de la nouvelle charte communale. De prime abord, l'affaire peut sembler anecdotique. Mais elle est en réalité très significative de certains dysfonctionnements inhérents à l'interprétation de la nouvelle charte communale. Le Conseil communal (la mairie) de la ville de Casablanca a désigné une directrice à la tête de la nouvelle bibliothèque du complexe culturel des Roches Noires. Le Conseil de l'arrondissement en a nommé une autre. Le mercredi 27 octobre, jour de l'inauguration de la bibliothèque par le Wali de Casablanca, deux directrices d'un même édifice étaient en place pour les salutations d'usage. Le fait cocasse de cette situation n'a pas été du goût des élus du conseil d'arrondissement. «Nous avons été très surpris par la désignation d'une autre femme au poste de directeur de la bibliothèque», indique à ALM Abdelouaheb Chigr (SAP), président du Conseil de l'arrondissement des Roches Noires. La surprise s'est transformée en colère quand la directrice, nommée par la mairie, a pris ses quartiers le lendemain dans les locaux de la bibliothèque. Elle a disposé sur son bureau une plaque où sont inscrits son nom et sa qualité de directrice. Les élus n'entendaient pas la laisser jouir de son nouveau poste, bien longtemps. M. Chigr a rencontré Mohamed Sajid, président du conseil communal de la ville, pour lui faire part de la «surprise» des élus. Il l'a informé des compétences de la femme, désignée par les «personnes qui connaissent la réalité du terrain et les besoins d'un équipement culturel». Cette femme, responsable des affaires sociales à l'arrondissement des Roches Noires, bénéficie de l'appui des élus et des employés du complexe. M. Chigr a fait également valoir son grade supérieur à celui de la directrice, désignée par la mairie. «Elle a le grade d'administrateur, tandis que l'autre est technicienne». Le président du Conseil de l'arrondissement des Roches Noires nie un quelconque affrontement avec la mairie. Mais il précise : «Notre parole a été entendue par le maire de la ville». Ce dernier qualifie de «malentendu» cette affaire. Il indique à ALM que la directrice des affaires culturelles à la mairie lui a proposé une bibliothécaire pour occuper un poste vacant. Il a accepté. Homme de dialogue, le maire de Casablanca a trouvé un compromis avec les élus de l'arrondissement des Roches Noires : les deux femmes vont travailler dans le même édifice. «L'une n'exclut pas l'autre. Elles vont cohabiter», commente le maire. Cette situation est emblématique de certains dysfonctionnements liés à l'interprétation de la nouvelle charte communale. Même s'il loue «la pondération» du maire, M. Chigr explique qu'il existe «un grave problème de partage des prérogatives». «On ne prend pas notre avis pour les nominations. ça ne peut pas continuer ainsi», martèle-t-il. Le texte de la nouvelle charte est pourtant clair. Les fonctionnaires locaux des arrondissements dépendent du président du Conseil communal et non du président du conseil d'arrondissement. Selon la loi, Mohamed Sajid est le seul habilité pour désigner, promouvoir ou transférer un fonctionnaire local. Le bras de fer que les élus du Conseil de l'arrondissement des Roches Noires voulaient engager avec la mairie tourne tout à fait en leur défaveur du point de vue de la loi. Mais, politiquement, cela pouvait créer une tension entre la mairie et un arrondissement important à Casablanca. D'ailleurs, la tension existe déjà. M. Chigr ne demande ni plus ni moins que «l'amendement» de certains textes de la nouvelle charte communale.