A l'heure où nous mettions sous presse, Maroc Telecom a d'ores et déjà perdu 145.431 d'abonnés sur sa page, Inwi en a perdu 120,815 tandis que ceux qui boudent Meditel sont au nombre de 113,235. En moins de 48 heures, les trois opérateurs télécoms du Royaume ont perdu plus de 100.000 mentions «j'aime» sur leurs pages officielles sur Facebook. Aussi banal que cela puisse paraître, les pertes sont colossales en termes de visibilité et d'image d'autant plus que ces pages sont inondées de commentaires de clients mécontents. A l'origine de cette offensive se trouve la décision de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) de bloquer la VoIP sur l'ensemble des réseaux télécoms et ADSL. Les internautes ne comptent pas se limiter à cette forme de protestation, certains «influents» ont boycotté les fameux «Maroc Web Awards», organisés par l'un des opérateurs de la place tandis que d'autres préparent un recours à la justice. Auraient-ils raison ? Chose promise, chose due. Jamais cette phrase n'aurait fait autant de mécontents auprès des clients des opérateurs télécoms au Maroc. Ceux-ci se sont vus priver, dans un premier temps, de profiter de toutes les fonctionnalités de la VoIP sur leurs terminaux. Tout appel via Skype, WhatsApp, Viber ou autre application leur étant interdit via réseau mobile. Aujourd'hui, la situation empire et la «censure» atteint le réseau ADSL (Wifi). Cette décision qui émane de l'ANRT a poussé les internautes à mener une guerre sans merci contre les opérateurs télécoms sur les réseaux sociaux afin de faire pression sur le régulateur. A l'heure où nous mettions sous presse, Maroc Telecom a d'ores et déjà perdu 145.431 (5,94%) d'abonnés sur sa page, Inwi en a perdu 120.815 (5,92%) tandis que ceux qui boudent Meditel sont au nombre de 113.235 (5,15%). A noter également qu'au début de cette campagne de boycott, le nombre de retrait des mentions «j'aime» avait atteint les 200 par minute. Pour certains, ce blocage est même illégal dans la mesure où l'ANRT n'a dans le cadre de ses prérogatives que la possibilité de «proposer» des lois et non de légiférer. «Dans sa décision de 2004 soumettant la voix sur IP à une licence préalable, ce dernier a voulu appliquer un régime juridique et a donc excédé ses pouvoirs. La décision est donc attaquable devant le tribunal administratif de Rabat par la voie d'un recours en annulation pour abus de pouvoir», propose un internaute. Or, si l'on se réfère au site de l'ANRT, on y voit clairement mentionné que l'agence est chargée de «la contribution à la proposition du cadre juridique régissant le secteur des télécommunications à travers la préparation de projets de lois, de décrets et d'arrêtés ministériels» mais également de «la conduite et mise en œuvre des procédures d'attribution et d'instruction des licences par voie d'appel à la concurrence et l'octroi des autorisations et réception des déclarations préalables pour l'établissement de réseaux indépendants». L'ANRT hors la loi ? Ceci dit, pour l'expert en télécoms Alaa-eddine Kaddouri, cette option d'illégalité se maintient toujours. Contrairement à ce que l'ANRT prétend, «les applications de VoIP gratuites ne violent pas la loi, c'est même leur blocage qui pourrait être illégal», indique-t-il à ce sujet. Il y a quelque temps en effet, l'ANRT avait publié un communiqué justifiant son interdiction par l'établissement et exploitation d'un réseau public de télécommunications, l'acheminement de trafic téléphonique, l'exploitation commerciale du protocole IP ainsi que la fourniture de services de téléphonie au public. Pour expliquer davantage son point de vue, Alaa-eddine Kaddouri démontre qu'aucun des arguments mis en avant par l'ANRT n'est techniquement valable. Ces applications bloquées n'ont ni mis en place ni exploité un réseau de télécommunications propre à elles. «À moins que vous ayez un fil téléphonique, un fil Skype, et un fil whatsApp qui arrivent chez vous», ironise-t-il en ajoutant que l'unique moyen auquel ces applications recourent est, justement, Internet. Par ailleurs, ces communications désormais interdites ne peuvent être présentées comme trafic téléphonique dans la mesure où, selon cet expert toujours, il s'agirait plutôt d'un trafic voix. «Ce sont des bouts de fichiers audio envoyés et reçus par des logiciels, et non par des terminaux téléphoniques». Le motif de commercialisation ne tient pas non plus dans sa globalité puisque le principe même d'une application comme Whats- App est la gratuité de l'appel. «Skype fournit cette option d'appels payants, mais celle-ci était de toute manière interdite au Maroc avant le blocage de la VoIP», précise la même source avant de faire le point sur l'argument de fourniture de service de téléphonie au public. Les applications en question ne gèrent pas de service de téléphonie mais utilisent un numéro fourni par l'opérateur télécoms chez qui l'utilisateur est client uniquement comme identifiant. «Vous pouvez ne pas avoir de numéro et avoir uniquement une connexion Wi-Fi pour utiliser les services, et vous pouvez changer de numéro de téléphone en gardant le même identifiant de votre application VoIP», a-t-il fait savoir. Pour rappel, dans un entretien avec ALM, le spécialiste en cybersécurité Yassir Kazar avait parié fort et juste sur une «accentuation de la colère dans les jours à venir», indiquant par la même occasion que cette décision reflète une méconnaissance totale du réseau Internet et de ses protocoles et que, quoi qu'il en soit, la technologie a aujourd'hui une longueur d'avance qu'il est quasi impossible de rattraper par ce type de mesures.