Dans un document intitulé «Dix questions au cœur de la création de richesses et d'emplois dans notre pays», le patronat livre sa contribution au débat sur les moyens de dynamiser l'économie marocaine. Mais les entreprises, pour leur part, ont à assumer des devoirs citoyens envers la communauté nationale. Que veut le patronat ? En cette période préélectorale, la question mérite qu'on s'y attarde. D'autant plus que la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc), principale formation patronale du pays, vient d'élaborer un document intitulé «Les dix questions au cœur de la création de richesses et d'emplois dans notre économie». Il s'agit d'un mémorandum qui comprend dix propositions pour garantir une croissance économique soutenue. Dans son mémorandum, elle attire l'attention des politiques sur l'absence d'une vision économique claire. A ses yeux, le gouvernement Youssoufi a préféré l'orthodoxie budgétaire au détriment de la croissance. L'Exécutif avait-il vraiment le choix, alors que la marge de manœuvre est très limitée. La Confédération exige également l'adaptation de la fiscalité au tissu productif national, la baisse des coûts de l'énergie, la compression de la masse salariale publique, l'assouplissement de la politique monétaire… Selon la CGEM, la relance de l'économie passe avant tout par l'identification des secteurs-clés dont le potentiel de développement est énorme : tourisme, nouvelles technologies de l'information et textile-habillement... L'initiative de la CGEM vise donc à influencer la stratégie économique du prochain Exécutif. Ne voulant pas être écartée du débat, la CGEM cherche à «imposer» ses choix. Mais dispose-t-elle des moyens pour satisfaire ses ambitions, lorsque l'on sait que les grandes entreprises nationales n'adhèrent pas toutes à la centrale dirigée par Hassan Chami ? Dans cette configuration, on se demande comment la CGEM peut imposer ses choix en matière de politique économique, alors que chez nos voisins, notamment tunisiens et égyptiens, les centrales patronales ont pu obtenir des assurances de leur gouvernement pour que leurs industries nationales résistent à la concurrence à l'heure de la mondialisation de l'économie et au moment où l'on évoque de plus en plus le démantèlement douanière. Y compris chez nous… Ce qui complique davantage la situation, c'est l'esprit qui règne aujourd'hui au sein de la Centrale. L'ambiance est électrifiée. Un climat que nous avons relevé lors de la dernière assemblée générale ordinaire marquée par l'absence du débat concernant la direction que va prendre la Confédération. Certains adhérents nous ont même confié que leur centrale ne dispose pas d'autant de poids pour faire pression sur les politiques. Convaincus que la CGEM trouve du mal à défendre les intérêts de ses adhérents, certains d'entre eux ont préféré claquer la porte. Rappelez-vous la sortie fracassante de Miloud Chaâbi, Président et fondateur du Groupe Ynna. Celui-ci n'est pas allé par quatre chemins pour critiquer la CGEM en avançant que celle-ci n'a pas joué pleinement son rôle. Il avait même remis en question l'utilité même de cette organisation, censée défendre les intérêts des entreprises. Selon lui, la CGEM a failli à ses engagements dans la mesure où son intervention pour mettre fin aux difficultés de ses adhérents a été timide. Il faut bien admettre que sur certains dossiers dont l'enjeu est stratégique, la Confédération a essuyé un sérieux revers. On peut citer à cet effet, le coût excessif de l'énergie. Pas besoin de rappeler ici que les opérateurs industriels nationaux paient leur énergie au taux le plus élevé de la région. Au niveau de la mise à niveau, aucune action concrète n'a été prise par la CGEM pour l'assistance des industriels. Il faut reconnaître que les entreprises sont livrées à leur sort. Si leur mise à niveau n'est pas assurée dans les plus brefs délais, elles seront obligées de revoir à la baisse leurs investissements et couper, s'il le faut dans leur effectif. Les colères de la CGEM ne suffisent pas à elles pour rectifier le tir. Si M. Chami s'inquiète de la perte de la compétitivité du Maroc dans l'économie internationale, il se limite à critiquer les centrales syndicales de bloquer le code du travail et les pouvoirs législatif et exécutif de ne pas assumer leurs responsabilités.